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belle idée se serait fait sans doute un nom célèbre dans l’histoire de l’alchimie, sans une circonstance fâcheuse. Il fut pendu à l’âge de trente-six ans, pour cause de sortilége.

Pour faire de l’or, le disciple d’Hermès conseillait de recueillir la foudre dans une fiole pleine d’eau. Après avoir fait évaporer lentement le liquide, en récitant certaines oraisons, cet heureux adepte retrouvait toujours au fond de sa cornue, une masse d’or d’un poids égal à celui de l’éclair qu’il avait su liquéfier.

Notre cabaliste ne paraît nullement douter du fait. Il prétend même que cette recette fut pratiquée bien avant Abraham de Gotha, par les Gaulois, du temps de César :

« Ces morceaux d’or, retrouvés dans les lacs des Gaules, nous dit-il, n’étaient que de la foudre concrétée. En temps d’orage, les Éduens et les Tolosains se couchaient près des fontaines, après avoir allumé une torche et planté à côté d’eux leur épée nue la pointe en haut. Il advenait que la foudre tombait souvent sur la pointe de l’épée, sans faire de mal au guerrier, et s’écoulait innocemment dans l’eau où, après s’être liquéfiée, elle finissait par se solidifier dans les temps de grande chaleur. »

S’il faut s’en rapporter aux Lettres de Gerbert, qui ont été publiées par M. Barse (d’Aurillac), Gerbert, ce savant illustre qui, au xe siècle, ceignit la tiare pontificale, sous le nom de Sylvestre II, aurait inventé, dans les derniers temps de sa vie, le moyen d’écarter la foudre. Quand l’orage grondait, Gerbert faisait planter en terre de longs bâtons, terminés par un fer de lance très-aigu. Jalonnés de distance en distance, ces pieux empêchaient, disait-on, les effets désastreux des orages.

Mais le moyen préconisé par le pape Sylvestre II ne pouvait pas jouir de beaucoup plus d’efficacité pour écarter la foudre, que les épées plantées en terre par les soldats éduens, par cette raison qu’il ne suffit pas d’élever en l’air un corps pointu pour annuler les effets de l’électricité atmosphérique ; mais qu’il faut que ce corps, choisi parmi les meilleurs conducteurs de l’électricité, soit mis lui-même en communication permanente avec une partie humide, dans les profondeurs du sol, au moyen d’une tige ou d’une chaîne très-conductrice de l’électricité. Privées de conducteurs, ces tiges pointues ne peuvent qu’attirer la foudre, au lieu de la détourner.

Pour terminer cette revue des moyens dont les anciens auteurs ont parlé, comme propres à écarter la foudre, nous pouvons ajouter qu’au siècle de Charlemagne, on élevait dans les champs de longues perches, espérant prévenir ainsi la grêle et les orages. Mais hâtons-nous d’ajouter, pour réduire ce fait à sa valeur réelle, que ces perches étaient regardées comme inefficaces, si elles n’étaient pas munies, à leur extrémité, de morceaux de papier. Par un capitulaire de l’an 789, Charlemagne proscrivit cet usage, qu’il qualifiait de superstitieux.

On voit que ce dernier moyen d’écarter les orages était l’analogue de celui dont font usage aujourd’hui les soldats de la Chine, qui, pour repousser l’ennemi, plantent en terre des piques de bois, surmontées de morceaux de papier, couverts de caractères magiques.

Nous avons rapporté, la plupart de tous les textes et des faits cités par les auteurs qui prétendent retrouver dans l’antiquité des traces de l’art de maîtriser la foudre et de conjurer ses effets. Tous ces textes sont impuissants pour démontrer que l’on ait eu connaissance d’un tel secret dans les âges qui ont précédé le nôtre. Peut-être à la rigueur pourrait-on inférer de quelques-uns, que, dans quelques circonstances, et chez certains peuples, tels que les Hébreux, lors de la construction du temple de Salomon, le hasard put révéler une forme rudimentaire du paratonnerre, et la pratique en confirmer les effets utiles. Mais cette concession, que l’on pourrait faire aux partisans de l’antiquité, n’entraînerait nullement à accorder aux anciens des notions positives concernant les phénomènes électriques. Le hasard ou l’empirisme aurait pu enseigner, plus ou moins obscurément, à travers le cours des âges,