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dit qu’elles avaient pour objet d’empêcher les oiseaux de souiller le toit de leurs excréments. Nous ne voyons pas pourquoi on irait chercher en dehors de ce texte, une explication qui oblige à prêter aux Hébreux des connaissances scientifiques qu’on ne leur a jamais accordées.

La première indication positive d’une méthode destinée, chez les anciens, à protéger les maisons contre le feu du ciel, se trouve dans l’ouvrage de Columelle. Cet écrivain établit, en termes exprès, que Tarchon, disciple du magicien Tagès, et fondateur de la théurgie étrusque, abritait son habitation en l’entourant de vignes blanches.

Utque Jovis magni prohiberet fulmina Tarchon
Sæpè suas sedes percinxit vitibus albis[1].

On sait que le temple d’Apollon fut, dans le même but, environné de lauriers[2].

Une croyance semblable se retrouvait parmi les habitants de l’Hindoustan, qui employaient autrefois comme préservatifs contre la foudre, des plantes grasses dont ils entouraient leurs demeures.

Un tel moyen d’écarter la foudre n’avait rien que d’absurde. Aussi voyons-nous dans Pline lui-même, que presque toutes les tours élevées devant Terracine et le temple de Féronia, ayant été détruits par le feu du ciel, les habitants renoncèrent à ce singulier genre de retranchements.

Pline prétend encore que la foudre ne descend jamais dans le sol à plus de cinq pieds de profondeur, et que les personnes craintives couvrent leurs maisons de peaux de phoques, les seuls animaux marins que le feu du ciel n’atteigne jamais[3].

On voit que les anciens avaient des idées fort étranges sur l’art d’écarter la foudre, et que les moyens qu’ils préconisaient dans ce but n’étaient pas marqués au coin de la raison.

Ctésias de Cnide, un des compagnons de Xénophon, raconte, dans un passage qui nous a été conservé par Photius, qu’il avait reçu deux épées, l’une des mains de Parisatis, mère d’Artaxercès, l’autre des mains du roi lui-même. Il ajoute :

« Si on les plante dans la terre, la pointe en haut, elles écartent les nuées, la grêle et les orages. Le roi en fit l’expérience devant moi à ses risques et périls[4]. »

Ce qu’on peut objecter contre le moyen dont parle Ctésias, c’est son insuffisance pour écarter les orages, attendu qu’une simple tige pointue de quelques pieds de hauteur, comme une épée plantée dans le sol, n’a jamais joui d’un tel pouvoir. Comment d’ailleurs accorder le moindre crédit à l’assertion de cet historien, quand on voit Ctésias affirmer, dans le même chapitre, qu’il a connaissance d’une fontaine de seize coudées de circonférence, sur une orgye de profondeur, qui, tous les ans, se remplissait d’un or liquide, dont on pouvait charger cent cruches !

Le moyen dont parle Ctésias, par son inefficacité absolue, doit donc être placé sur la même ligne que celui signalé par Hérodote, qui prétend que les anciens Thraces désarmaient les nuages orageux en lançant leurs flèches contre le ciel.

Les alchimistes du Moyen âge ont cité avec complaisance un procédé pour faire de l’or au moyen de la foudre mise en bouteille. Ce procédé est rapporté par un vieux cabaliste nommé Holfergen, comme ayant été découvert par Abraham de Gotha, adepte de l’art hermétique.

Abraham de Gotha, qui avait eu cette

  1. « Tarchon, afin de défendre sa maison contre les foudres du grand Jupiter, entourait sa maison de beaucoup de vignes blanches. » De re rusticâ, lib. X.
  2. Pline attribue au laurier cette propriété singulière : « Ex iis quae terrâ gignuntur, lauri fruticem non icit. » (Plinii Hist. nat. lib. II, cap. lvi.) « De tous les fruits de la terre, le laurier seul est à l’abri de la foudre. »
  3. Ideo pavidi altiores specus tutissimos putant ; aut tabernacula e pellibus belluarum quas vitulos appellant ; quoniam hoc solum animal ex marinis non percutiat. (Plin. Hist. nat. lib. I, cap. lvi.) Voir aussi Josèphe, Antiq. Jud., lib. III, cap. vi, § 4.
  4. Ctesias in Indic. apud Photium. (Bibl. cod. LXXII.)