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CHAPITRE III

travaux de franklin concernant l’analogie entre l’électricité et la foudre. — hypothèse qu’il propose quant à l’origine du tonnerre. — découverte du pouvoir des pointes.

Nous venons de voir la doctrine de l’identité de la foudre et de l’électricité, faire en Europe des progrès rapides ; nous allons la voir s’avancer, en Amérique, d’un pas encore plus assuré, et prendre, entre les mains de Franklin, sa constitution définitive.

Comme tous les physiciens de son temps, Franklin avait été frappé de l’analogie que présentent l’étincelle électrique et le trait de la foudre. Pendant que l’Académie de Bordeaux couronnait solennellement, en séance publique, le mémoire de Barberet, de Dijon ; pendant que Romas écrivait son mémoire sur le coup de foudre de Tampouy, Franklin exprimait, dans ses Lettres, des réflexions qui tendaient à établir l’étroite ressemblance du tonnerre et de l’électricité[1].

C’est dans la quatrième lettre et dans une partie de la suivante, que Franklin expose l’idée de l’analogie de l’électricité et du tonnerre. Mais hâtons-nous de dire, pour bien éclairer le récit qui va suivre, que Franklin ne présente cette pensée qu’à titre d’hypothèse. Il se borne à la soumettre aux physiciens, ajoutant que l’expérience prononcera plus tard sur ce point de théorie.

Les deux lettres de Franklin, en partie consacrées au sujet qui nous occupe, sont d’une confusion extrême : il faut en élaguer beaucoup de parties inutiles, pour saisir, dans sa simplicité, la théorie de l’identité de l’électricité et de la foudre. Nous allons en donner l’analyse, en retranchant tout ce qui se rapporte à des objets étrangers à ce sujet.

Voici donc comment Franklin, après beaucoup de considérations vulgaires et surannées sur les nuages, les vapeurs et la pluie, fait ressortir, dans sa quatrième lettre, les analogies du tonnerre et de l’électricité, pour conclure, dans la lettre suivante, que cette hypothèse est fort admissible, et finalement, donner le plan d’une expérience qu’il n’a pas faite lui-même, mais qu’il conseille aux physiciens d’exécuter, afin de vérifier la justesse de sa conjecture.

1o Franklin fait remarquer que les éclairs ont une forme ondoyante et crochue ; or il en est de même, selon lui, de l’étincelle électrique, quand on la tire à quelque distance d’un corps irrégulier.

2o Le tonnerre frappe de préférence les objets élevés et pointus, tels que les hautes montagnes, les arbres, les tours, les clochers, les mâts de vaisseaux, les pointes de piques, etc. ; de même, selon lui, tous les conducteurs pointus sont plus accessibles à l’électricité que les surfaces plates.

3o Le tonnerre suit toujours le meilleur conducteur et le plus à sa portée ; l’électricité se conduit de même dans la décharge de la bouteille de Leyde. Selon Franklin, il serait plus sûr, durant l’orage, d’avoir ses habits humides que secs, parce que l’eau transmettrait en grande partie la matière du tonnerre jusqu’au sol, et garantirait ainsi le corps. Il assure qu’un rat mouillé ne peut pas être tué par l’explosion de la bouteille de Leyde, et qu’au contraire cet animal est tué par la même décharge quand il est sec.

4o Le tonnerre met le feu aux matières combustibles ; ainsi se comporte l’électricité.

5o Le tonnerre fond quelquefois les métaux ; l’électricité produit le même effet.

6o Le tonnerre déchire certains corps ; l’électricité produit le même résultat. Franklin rappelle que l’étincelle électrique perce un cahier de papier.

  1. Le mémoire de Barberet fut couronné par l’Académie de Bordeaux au mois d’août 1750, et le mémoire de Romas sur le coup de foudre de Tampouy est du même mois (août 1750) ; enfin la lettre de Franklin sur l’analogie du tonnerre et de l’électricité porte la date du 29 juillet de la même année.