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7o On a vu souvent des personnes rendues aveugles par le tonnerre ; Franklin a vu un pigeon frappé de cécité par une commotion de la bouteille de Leyde.

8o Le tonnerre tue les animaux ; on a tué aussi des animaux par la commotion électrique.

9o Le tonnerre détruit quelquefois la propriété des aimants naturels et renverse leurs pôles ; Franklin a obtenu le même résultat avec de l’électricité. Souvent il a donné, au moyen de la décharge de la bouteille de Leyde, la direction polaire à des aiguilles de fer.

Mais Franklin ne se borna pas à signaler ces divers points de ressemblance entre les effets de l’électricité et ceux du tonnerre. Il alla plus loin ; car il mit en avant cette hypothèse, qu’une verge de fer pointue élevée dans les airs, et communiquant avec un conducteur métallique, en contact lui-même avec le sol, aurait peut-être le pouvoir de faire écouler silencieusement dans la terre, l’électricité des nuages, et donnerait ainsi un moyen de s’opposer à la production de la foudre.

Comment Franklin fut-il conduit à une idée si hardie et si nouvelle ? C’est là un point important à éclaircir.

Franklin a, le premier, mis bien en évidence par des expériences positives, ce fait essentiel que les corps pointus ont le pouvoir de dissiper l’électricité, c’est-à-dire le principe que l’on désigne aujourd’hui en physique sous le nom de pouvoir des pointes. Il avait été amené sur la voie de cette découverte par une observation due à Jallabert, physicien suisse.

C’est à Genève, en 1748, que Jallabert observa pour la première fois ce phénomène.

Pendant un séjour qu’il fit bientôt après à Paris, il répéta son expérience devant l’abbé Nollet, qui la publia, la même année, avec le consentement de l’auteur. Dans ses Recherches sur les causes particulières des phénomènes électriques, Nollet rapporte, comme il suit, cette expérience de Jallabert.

« Nouveau phénomène observé par M. Jallabert. — On met en équilibre, sur un pivot (fig. 264, p. 513), une petite verge de bois, qui peut avoir quinze ou seize pouces de longueur, pointue par un bout et armée par l’autre d’une petite boule de bois, de un pouce de diamètre ou environ ; on met cet instrument ainsi préparé à portée d’un homme qu’on électrise, et qui tient en sa main un morceau de bois tourné, gros et arrondi par un bout, comme une demi-boule de un pouce de diamètre, et pointu par l’autre extrémité. Si cet homme présente ce morceau de bois par le gros bout à la boule qui est à l’une des extrémités de l’aiguille, le plus souvent cette boule est repoussée ; il l’attire au contraire presque toujours, s’il présente le morceau de bois par la pointe. On voit tout le contraire, si l’on fait l’expérience par l’autre côté de l’aiguille ; le morceau de bois électrisé et présenté par le gros bout l’attire, et si c’est la pointe du morceau de bois que l’on présente, il est fort ordinaire que la partie B soit repoussée. »

Il résultait de cette expérience, que les phénomènes électriques d’attraction et de répulsion étaient fort différents selon que l’on présentait à un corps un conducteur taillé en pointe, ou le même conducteur terminé en boule.

Il y avait là le germe de la découverte du pouvoir des pointes ; mais il n’y avait pas autre chose, car telle qu’elle était exécutée par Jallabert ou l’abbé Nollet, cette expérience ne réussissait pas toujours.

Nollet essaya d’expliquer l’expérience de Jallabert par la théorie générale qu’il avait imaginée pour l’interprétation des phénomènes électriques, c’est-à-dire par son système des affluences et influences simultanées. Mais il ne faisait ainsi qu’ajouter une difficulté à une autre, car à une expérience confuse il appliquait une théorie inexacte. Aussi ne put-on parvenir à rien tirer de clair de cette expérience du physicien de Genève.

C’est à Franklin que revient le mérite d’avoir mis dans tout son jour le phénomène du pouvoir des pointes, c’est-à-dire l’action qu’exerce un corps conducteur effilé en pointe, pour faire disparaître, par sa seule approche,