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ter tout accident, et préserver l’opérateur, Romas avait eu soin de préparer un véritable excitateur, qui consistait en un cylindre de fer-blanc d’un pied de longueur, fixé à un tube de verre.

Plus de deux cents personnes, sorties de la ville de Nérac, assistaient, avec une curiosité facile à comprendre, à la belle expérience qui se préparait.

Les premières étincelles que Romas tira avec l’excitateur, étaient faibles ; elles provenaient seulement de quelques petites nuées détachées du gros de l’orage encore éloigné. La médiocre intensité de ces effets électriques l’encouragea à les tirer avec le doigt, sans se servir de l’excitateur ; et, bientôt, à son exemple, tous les assistants s’approchèrent et se divertirent à faire partir des étincelles du tube de fer-blanc. Chacun s’avançait à tour de rôle, et s’amusait à faire jaillir le feu électrique. Les uns l’excitaient simplement avec le doigt, d’autres avec leur épée, avec une canne, un bâton ou une clef.

Ce petit exercice, qui dura vingt minutes, fut interrompu par un défaut d’électricité, dont la cause apparut manifestement aux yeux des spectateurs. Les petits nuages noirs qui avaient occasionné les premières étincelles, avaient disparu ; on ne voyait à leur place, qu’un nuage blanc à travers lequel on apercevait distinctement le bleu du ciel.

Dix minutes après, l’électricité reparut, mais d’abord très-faible. Après avoir langui quelques instants, elle reprit avec une certaine force. Tous les spectateurs, se rapprochant alors, recommencèrent leurs amusements. On jouait gaiement avec le tonnerre ; au milieu des rires et des propos animés, on s’émerveillait de voir étinceler sous ses doigts le feu descendu des nues.

Mais tout à coup, et sans que rien eût fait présager ce brusque retour offensif de l’électricité, Romas, en tirant une étincelle, fut frappé d’une commotion si violente qu’il en fut à demi renversé. À ses mouvements convulsifs, les assistants reconnurent bien qu’il avait été gravement frappé. Cependant, sept ou huit personnes ne craignirent pas de s’exposer au même coup. Elles se donnèrent la main comme dans l’expérience de Leyde, et la première toucha de son doigt le tube de fer-blanc ; aussitôt une forte commotion fut ressentie jusqu’à la cinquième personne.

Romas, comprenant alors que l’heure des amusements est passée, éloigne la foule qui l’entoure, et demeure seul auprès de son appareil, tenant l’excitateur à la main.

L’orage s’animait de plus en plus. Quoiqu’il ne tombât encore aucune goutte de pluie, de gros nuages noirs s’élevaient à l’horizon, et d’autres, placés au-dessus du cerf-volant, faisaient craindre qu’une très-forte électricité n’apparût tout à coup, et n’occasionnât quelque accident tragique.

Armé de l’excitateur, Romas s’approche du tube de fer-blanc, et il en tire, à la distance de quatre pouces, des étincelles qui avaient plus d’un pouce de longueur et deux lignes de largeur. Il excita ensuite, à une plus grande distance, des étincelles de deux pouces de long et grosses à proportion. Bientôt elles firent place à de véritables lames de feu, qui partaient à la distance de plus d’un pied, et dont l’explosion se faisait entendre à plus de deux cents pas.

Pendant qu’il continuait ainsi, il sentit au visage, bien qu’il se trouvât éloigné de plus de trois pieds de la corde, comme une impression de toile d’araignée. C’était l’émanation électrique du fil du cerf-volant qui, disséminée dans tous les sens, produisait cet effet, que l’on remarque souvent quand on se tient près du conducteur d’une puissante machine électrique en activité. Romas cria de toute sa force aux assistants de se reculer au plus tôt. Il fit lui-même un pas en arrière ; mais bientôt cette même sensation de toile d’araignée s’étant fait sentir une seconde fois, il s’écarta davantage encore.