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conde bouteille de Leyde avec la barre de fer pointue qui se trouvait élevée sur le faîte de sa maison ; de telle sorte que cette bouteille se chargeait spontanément de l’électricité dérobée aux nuages. Il plaça ensuite entre les deux bouteilles, et à trois ou quatre pouces de distance, une petite balle de liége suspendue par un fil de soie. Si l’électricité envoyée par les nuages était positive comme celle qui avait servi à charger l’une des bouteilles, la petite balle de liége devait être successivement attirée par la garniture extérieure de l’une des deux bouteilles et repoussée par l’autre. Si les électricités étaient différentes dans les deux bouteilles, la balle de liége devait être attirée successivement par chacune des bouteilles, et voyager ainsi continuellement de l’une à l’autre.

Cette expérience, et quelques autres que Franklin essaya dans la même vue, ne donnèrent jamais des résultats constants. L’électricité des nuages était tantôt positive, tantôt négative, et même négative le plus souvent, ce qui n’était pas conforme à sa théorie.

Franklin ne poursuivit pas longtemps ces tentatives sur l’électricité météorique, sujet obscur, d’une complication extrême, et qui n’est encore aujourd’hui qu’imparfaitement élucidé. La tournure positive de son esprit ne lui permettait pas de continuer des recherches dont il n’entrevoyait pas de conséquence utile. Aussi, renonçant à cette question, il donna tous ses soins à réaliser, pour la pratique, l’idée du paratonnerre, qui, mise en avant, par lui, en 1752, à titre de simple hypothèse, était devenue l’origine et le point de départ de toutes les découvertes des physiciens sur l’électricité météorique.

C’est en 1760 que Franklin fit construire le premier paratonnerre ; cet instrument ne différait que fort peu de celui que nous employons aujourd’hui.

Le premier paratonnerre fut élevé par Franklin sur la maison d’un marchand de Philadelphie, nommé West. Il se composait d’une baguette de fer de neuf pieds et demi de long et de plus d’un demi-pouce de diamètre, et qui allait en s’amincissant vers sa partie supérieure. De l’extrémité inférieure de cette tige métallique partait une seconde tige de fer, plus mince, de dix pouces de long, et d’une épaisseur d’un quart de pouce, dont la partie inférieure était mise en rapport avec un long conducteur de fer descendant jusqu’au sol, où il pénétrait à une profondeur de quatre ou cinq pieds.

C’est une circonstance bien remarquable, qu’à peine installé, comme pour prouver la valeur de cet instrument, le paratonnerre fut atteint par le feu du ciel. Après le coup de foudre, M. West trouva fondue la pointe du paratonnerre ; la tige de dix pouces qui le joignait au conducteur était réduite à sept pouces et demi de longueur.

À partir de ce moment, l’admirable invention du physicien d’Amérique était accomplie : le paratonnerre était créé. Il nous reste à dire comment cette découverte fut acceptée dans notre hémisphère.



CHAPITRE VIII

accueil fait en europe à l’invention du paratonnerre. — george iii et franklin : les paratonnerres en boule. — opposition de l’abbé nollet en france. — livre de l’abbé poncelet. — répugnance des français à adopter le paratonnerre. — affaire de saint-omer, m. de vissery. — robespierre. — le paratonnerre à genève. — adoption définitive du paratonnerre en france, en angleterre et dans le reste de l’europe.

Un accueil assez singulier attendait, en Europe, l’invention du paratonnerre. L’admiration qu’elle y excita, chez quelques esprits éclairés, ne fut pas sans un mélange de résistances sérieuses, surtout à l’époque de son premier établissement. L’Angleterre et la France se signalèrent par une opposition marquée à la découverte du philosophe américain ; mais les causes de cette opposition ne furent pas les mêmes chez les deux nations.