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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/57

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dans la caisse, une certaine quantité de poudre à canon, on dilatait l’air contenu dans le tube, et cet air, s’échappant par les soupapes, provoquait, dans l’intérieur de cet espace, un vide partiel. Par suite de ce vide, l’eau, pressée par l’atmosphère extérieure, s’élançait dans l’intérieur de l’appareil.

L’abbé de Hautefeuille, doué d’un certain esprit d’invention et de recherche avait des habitudes scientifiques assez fâcheuses. Il abordait tous les sujets sans en approfondir un seul ; il émettait, en termes laconiques, beaucoup d’idées vagues et mal formulées, et lorsque, plus tard, d’autres savants venaient à traiter sérieusement les questions qu’il n’avait fait qu’effleurer, il fatiguait le public du bruit de ses réclamations. C’est ainsi qu’il écrivait en 1682 :

« Il y a trois ou quatre ans que je proposai une force qui me semblait devoir être de quelque utilité ; c’est la poudre à canon, qui produit l’effet de la pompe aspirante par la raréfaction de l’air, et celui de la pompe foulante par son effort. J’ai appris depuis ce temps-là que l’on avait fait une expérience à l’Académie royale des sciences, qui en approchait, et que l’on avait essayé ce principe pour l’élévation des corps solides… On m’a assuré qu’un gros de poudre à canon avait enlevé en l’air sept ou huit laquais qui retenaient le bout de la corde, et qu’ayant attaché des poids à son extrémité, ce gros de poudre avait enlevé mille ou mille deux cent livres (489kil,5 ou 587kil,4) pesant[1]. »

Ce n’était point l’Académie qui avait exécuté l’expérience dont parle Jean de Hautefeuille, mais bien Huygens, qui avait substitué à ce grossier mécanisme un appareil perfectionné, consistant essentiellement dans l’emploi d’un corps de pompe parcouru par un piston. La machine n’était plus bornée au seul objet de l’élévation des eaux à une hauteur de trente pieds (9m,745) ; elle devait constituer un moteur susceptible de recevoir toutes les applications industrielles.


Fig. 28.
La figure (fig. 28) que Huygens a donnée de son appareil, en fait comprendre le mécanisme.

A est un cylindre métallique, B un piston mobile dans ce cylindre ; une corde enroulée sur une poulie, et supportant le poids qu’il s’agit d’élever, est attachée à ce piston. Au bas du cylindre est une petite boîte H, destinée à recevoir la poudre. D, D, sont deux poches de cuir, garnies de soupapes jouant de dedans en dehors, et destinées à donner issue à l’air dilaté et aux produits gazeux de l’explosion de la poudre.

« On met, dit Huygens, dans la boîte H un peu de poudre à canon, avec un petit bout de mèche d’Allemagne allumée, et l’on serre bien cette boîte par le moyen de sa vis. La poudre, venant un moment après à s’allumer, remplit le cylindre de flamme et en chasse l’air par les tuyaux de cuir D, D, qui s’étendent et qui sont aussitôt refermés par l’air du dehors, de sorte que le cylindre demeure vide d’air, ou du moins pour la plus grande partie. Ensuite le piston B est forcé, par la pression de l’air qui pèse dessus, à descendre, et il tire ainsi la corde FF, et ce à quoi on l’a voulu attacher. La quantité de cette pression est connue et déterminée par la pesanteur de l’air et par la grandeur du diamètre du piston, qui, étant d’un pied, sera pressé autant que s’il portait le poids d’environ mille huit cent livres (871kil,1), supposé que le cylindre fût tout à fait vide d’air[2]. »

Papin connaissait depuis longtemps cette machine, car il avait, comme nous l’avons dit, secondé Huygens dans sa construction, pendant qu’il logeait avec lui à la Bibliothèque du roi. Mais il avait reconnu dans ses dispositions divers inconvénients, et il voulait seulement, dans la construction nouvelle qu’il proposait et qu’il soumit à l’examen de ses collègues, les professeurs de l’Université de Marbourg, en perfectionner le mécanisme. Les changements qu’il apportait à l’appareil

  1. Réflexions sur quelques machines à élever les eaux, avec la description d’une nouvelle pompe sans frottement et sans piston, adressées par M. de Hautefeuille à madame la duchesse de Bouillon, p. 9.
  2. Nouvelle force mouvante par le moyen de la poudre à canon et de l’air, par Huygens de Zulichem (Divers ouvrages de mathématiques et de physique, par Messieurs de la Société royale des sciences, p. 320).