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toujours plu à suivre et à encourager ses travaux. Papin s’empressa d’accepter l’offre de l’électeur. Il écrivit au secrétaire de la Société royale, pour l’informer de la résolution qu’il avait prise, et le prier de lui compter l’arriéré de son traitement. Le trésorier reçut l’ordre de faire droit à cette demande. La Société décida en même temps, dans sa séance du 14 décembre 1687, que le docteur Papin recevrait en présent quatre exemplaires de l’Histoire des poissons, comme un témoignage des bons services qu’elle avait reçus de lui.

Papin emporta ses quatre exemplaires de l’Histoire des poissons ; mais c’était la perle de la fable : il est à croire que le grain de mil eût mieux convenu à l’état de ses affaires.

Arrivé à Marbourg, Papin commença ses leçons publiques de mathématiques. Ce nouveau métier, auquel il était peu fait, ne fut pas sans lui causer quelques ennuis et quelques difficultés au début. Néanmoins, il reprit bientôt la suite de ses travaux accoutumés.

L’emploi du vide et de la pression atmosphérique, utilisés directement comme force motrice, avait mal réussi dans son appareil à double pompe pneumatique. Il espéra mieux remplir le grand dessein qu’il se proposait, en construisant une autre machine, également fondée sur l’emploi de la pression de l’air, mais dans laquelle le vide, au lieu d’être déterminé par le jeu d’une pompe pneumatique, serait obtenu en faisant détoner de la poudre à canon sous le piston de cette pompe. La poudre, brûlée dans un cylindre fermé par une soupape et parcouru par un piston, dilatait l’air, par l’effet de la chaleur dégagée pendant la combustion ; cet air, s’échappant par la soupape, provoquait un vide dans le cylindre, et dès lors la pression atmosphérique, pesant sur la tête du piston, chassait celui-ci dans l’intérieur du corps de pompe. C’était, comme on le voit, le principe de la machine précédente ; seulement le vide était produit par un artifice d’une autre nature.

La machine à poudre que Papin fit connaître en 1688[1], n’était pas, à proprement parler, une invention de ce physicien. La première idée en avait été émise par l’abbé de Hautefeuille, dans un mémoire imprimé à Paris en 1678[2]. À cette époque, le projet d’appliquer la pression atmosphérique à la création d’un nouveau moteur, occupait tous les savants. L’abbé de Hautefeuille avait parlé, le premier, d’obtenir une force motrice empruntée à la pression atmosphérique, en faisant le vide dans un tuyau par suite de la combustion de la poudre. Le principe de cette machine avait été conçu par l’abbé de Hautefeuille à l’époque où Louis XIV voulait élever les eaux de la Seine pour les consacrer à l’embellissement des jardins de Versailles ; les immenses difficultés de cette entreprise extravagante tenaient alors en haleine l’esprit de tous les mécaniciens français.

« Un si grand nombre d’inventions qui ont été proposées pour élever des eaux à Versailles m’engagea, dit Jean de Hautefeuille, à méditer sur les moyens de le faire avec facilité… Repassant ainsi dans mon imagination toutes les forces qui pouvaient être dans la nature, il s’en présenta une qui est infiniment plus grande que celle du vent, du courant des rivières et des torrents, et la plus violente qui ait jamais été : cette force est la poudre à canon, que l’on n’a point encore employée à l’élévation des eaux[3]. »

Le principe était bon en lui-même, mais la machine proposée par l’abbé pour le mettre à exécution, était des plus grossières. Elle se composait d’une grande caisse disposée à trente pieds (9m,745), au-dessus de la masse d’eau qu’il s’agissait d’élever ; cette caisse était munie de quatre soupapes s’ouvrant de dedans en dehors, et se terminait par un tube plongeant dans l’eau. Quand on enflammait,

  1. De novo pulveris pyrii usu (Acta eruditorum Lipsiæ, septembre 1688, p. 496).
  2. Pendule perpétuelle avec un nouveau balancier, et la manière d’élever l’eau par le moyen de la poudre à canon, et autres nouvelles inventions contenues dans une lettre adressée par M. de Hautefeuille à un de ses amis. 1678, p. 16.
  3. Pendule perpétuelle, etc., p. 90.