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tannique furent armés des paratonnerres de M. Harris, c’est-à-dire de mâts rendus conducteurs de l’électricité par un revêtement métallique. On les avait choisis parmi ceux qui stationnaient dans les climats les plus divers, sur la Méditerranée, au cap de Bonne-Espérance, dans les Indes orientales, dans les deux Amériques, etc. Ils furent, pendant plusieurs années, exposés aux plus terribles tempêtes, et, quoique frappés à plusieurs reprises par le tonnerre, ils ne subirent, de 1830 à 1842, aucun dommage notable. L’un d’eux, la frégate Dryad, en quittant les côtes d’Afrique, vers 1830, fut frappé de la foudre pendant un ouragan. La décharge électrique tomba sur le mât de misaine et le mât de maître, avec un sifflement terrible, et le navire parut un instant enveloppé de flammes. Mais aucun autre accident ne suivit. Dans plusieurs autres cas semblables, l’explosion électrique fut dirigée vers la mer, par les conducteurs de M. Harris.

Durant la même période où ces trente navires étaient ainsi préservés, quarante environ, qui n’avaient point adopté le nouveau mode de protection, furent frappés et endommagés gravement.

En 1842, l’amirauté britannique adopta définitivement, et après des expériences longuement poursuivies, le système de ces mâts conducteurs, qui est aujourd’hui le seul employé en Angleterre. Les pièces dont il se compose se fabriquent rapidement et à peu de frais dans les ateliers de l’État, et depuis son adoption générale, il n’existe peut-être pas d’exemple d’un navire anglais ayant sérieusement souffert d’un coup de foudre en mer.

Ce système est bien préférable à celui qui est adopté dans la marine française, et qui consiste simplement dans l’emploi d’une chaîne conductrice que l’on attache le long du mât au moment de l’approche d’un orage. Nous croyons que l’adoption du système anglais, à bord de nos vaisseaux, présenterait les plus grands avantages. Aussi, est-il regrettable que, dans le rapport de M. Pouillet on n’ait pas songé à en faire mention.


Nous reviendrons, en terminant, aux paratonnerres établis sur les édifices, c’est-à-dire au cas le plus général.

Des observations et des expériences faites en 1862 et en 1864, ont prouvé qu’il serait avantageux de remplacer la pointe unique qui termine les paratonnerres actuels, par des tiges multiples, c’est-à-dire par dix ou douze branches de plusieurs mètres de longueur, fort effilées chacune, et qui donnent ainsi un écoulement libre et facile à l’électricité. Ces tiges, partant du même point, du sommet de l’édifice, s’écartent les unes des autres, sous des angles variables, en formant une sorte de couronne de pointes.

C’est à M. Perrot, l’inventeur de la machine à imprimer les indiennes qui porte son nom (perrotine), que l’on doit les observations et les expériences dont nous allons parler.

Les paratonnerres tels qu’ils sont établis, et avec le système actuel des constructions, où le fer joue un rôle de plus en plus prédominant, ne sont pas aussi efficaces qu’on l’avait espéré jusqu’à ce jour. La confiance que nous donnait l’invention de Franklin a pu être ébranlée par l’accident grave arrivé à Paris, le 2 août 1862, à la caserne du prince Eugène. La foudre frappant sur l’un des paratonnerres qui surmontent cet édifice, suivit le conduit à gaz, et occasionna une explosion, dont les effets auraient été terribles, si, au lieu de tomber dans le corps de garde, la foudre eût éclaté dans l’un des trois magasins à poudre et à cartouches, qui font partie de cette caserne.

À propos de ce fait, nos physiciens se mirent à l’œuvre pour trouver le moyen d’augmenter l’efficacité des paratonnerres sur les édifices contenant des matériaux métalliques. M. Perrot fit, à cette occasion, plusieurs expériences dont les résultats paraissent concluants.