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plit nos travaux mécaniques, — l’agent mystérieux qui, dans nos laboratoires industriels, façonne et superpose les métaux précieux ou communs, — le moyen thérapeutique que la médecine tente de mettre en œuvre, et la lampe sidérale, qui brille comme un soleil nouveau dans la nuit de nos cités.

Il faudrait des volumes pour raconter avec tous les détails qu’elle exigerait, l’histoire de la pile de Volta, pour tracer le tableau des innombrables applications qu’elle a reçues, et fournir des renseignements exacts et circonstanciés sur tous les points qui se rattachent à ce grand sujet. Pour ne pas étendre cette notice hors de toute limite, nous ne considérerons ici que l’histoire de la pile de Volta prise en elle-même, sans entrer dans l’exposé de la longue série des applications qu’elle a trouvées de nos jours. Nous pourrons ainsi renfermer dans un petit nombre de pages le récit historique de tout ce qui se rapporte à cet admirable appareil. Après cette partie historique, nous aborderons la description de cet instrument, les formes infiniment variées qu’il a reçues. Nous terminerons cette étude par un coup d’œil sur la difficile question de la théorie de la pile.



CHAPITRE PREMIER

premières observations de galvani sur l’électricité animale. — le choc en retour chez la grenouille. — recherches expérimentales de galvani touchant l’influence de l’électricité des machines sur les contractions musculaires des animaux à sang froid et à sang chaud. — découverte fondamentale, faite par galvani, des contractions métalliques provoquées chez la grenouille par l’emploi d’un arc métallique. — galvani publie son système sur l’électricité animale.

Professeur d’anatomie à l’université de Bologne, Aloysius Galvani était l’un des hommes les plus distingués d’une époque féconde en éminents esprits. Bien que l’on se soit plu à rabaisser son mérite scientifique en ne voulant le considérer que comme un anatomiste habile, il s’était pourtant occupé avec succès de beaucoup d’études expérimentales d’un ordre varié. Sans négliger pour cela ses travaux de physiologie, il s’était occupé de chimie organique et de physique appliquée. Préoccupé depuis longtemps de l’étude des fonctions du système nerveux, séduit par la pensée, alors si en faveur, de l’intervention de l’électricité dans les phénomènes de la vie, il s’adonnait d’une manière particulière, à l’examen de l’action du fluide électrique sur les corps vivants : il cherchait à déterminer son influence sur les organes des animaux. L’expérimentateur de Bologne était donc parfaitement préparé aux découvertes de physique et de physiologie qu’il devait réaliser plus tard.

C’est à Galvani qu’était réservée la gloire d’ouvrir le premier la route dans l’immense champ de recherches scientifiques qui devait si profondément remuer son époque.

Pour mettre sur le compte du hasard l’observation du fait primordial qui donna le signal de ses recherches, on a accrédité une anecdote, souvent reproduite et singulièrement fertile en variantes[1]. Bien que répétée par Arago, dans son Éloge historique de Volta, cette anecdote ridicule, dans laquelle il est question d’un bouillon aux grenouilles préparé par la cuisinière de Galvani, est tout à fait controuvée. Le hasard joua sans doute un rôle dans ce fait ; mais le génie de Galvani tira, comme on va le voir, un merveilleux parti d’un accident qui serait demeuré stérile entre les mains de tout autre observateur.

Un soir de l’année 1780[2], Galvani se trou-

  1. En étudiant la physique, comme élève de philosophie, au lycée de ma ville natale, je m’étais amusé à relever dans nos principaux auteurs de Traités de physique, les différentes manières dont cette anecdote était racontée. J’avais recueilli vingt et une de ces variantes, dont je conserve encore le texte. Je me flatte que celle que j’ai adoptée ici est la bonne, car elle est empruntée au mémoire latin de Galvani, qui sera cité plus loin.
  2. Et non de l’année 1790, comme le dit Arago dans son Éloge de Volta, par une erreur que nous signalons aux