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pas frappé de ce fait, qui se présentait de lui-même, pour ainsi dire, à l’observateur ?

Volta nous dit dans sa Lettre à Joseph Banks, qu’il a déterminé, au moyen du condensateur et de l’électromètre de Cavallo, la nature de deux électricités existant à chacun des pôles de sa pile : il trouva que le pôle zinc donnait l’électricité positive et le pôle argent l’électricité négative. Or, il ne remarqua point qu’en renversant les pôles de l’instrument, c’est-à-dire en supprimant le disque d’argent à la base, et le disque de zinc au sommet de la colonne, le pôle argent devenait positif, et le pôle zinc négatif ; ce qui détruisait ses observations et sa théorie.

Volta n’a pas constaté non plus, pour nous renfermer dans le domaine de la plus simple expérimentation, le fait, qu’il était presque impossible de ne pas observer, des décompositions chimiques, avec production de gaz, qui s’observent pendant le travail des piles un peu énergiques. Il avait répété un grand nombre de fois l’expérience du circuit interrompu, avec des appareils de cent vingt couples, les communications étant établies au moyen de lames de cuivre décapé plongeant dans une solution de sel marin, et il n’avait remarqué ni la formation de bulles de gaz sur la lame en contact avec le pôle négatif, ni l’oxydation de la lame au pôle positif. Il y a plus : Volta forma un appareil à couronnes de tasses de quatre-vingts couples ; il laissa les éléments en place pendant un temps fort long, tantôt ouvrant et tantôt fermant le circuit ; et il n’observa point le dégagement de l’hydrogène qui s’opère pendant la marche de la pile.

Il nous paraît bien difficile que tant de faits, qu’un expérimentateur ne saurait méconnaître, eussent échappé à l’attention de Volta. Nous sommes convaincu qu’il aima mieux passer ces phénomènes sous silence, que d’appeler la discussion sur des effets secondaires en désaccord avec sa théorie, et qui auraient altéré l’unité de sa doctrine.

Toutes ces observations que Volta n’avait point faites, détourné de cette voie par ses opinions théoriques, ou par la crainte de fournir des armes à ses adversaires, étaient pourtant si simples, que les premiers expérimentateurs qui eurent entre les mains le nouvel appareil, les firent presque aussitôt, et eurent ainsi la gloire de parcourir la vaste carrière ouverte par le physicien de Côme et à peine soupçonnée par lui. En voulant mettre la chimie hors de cause dans les effets de la pile, comme il avait déjà voulu écarter la physiologie dans les effets de l’arc de Galvani, Volta s’était ainsi interdit à lui-même le magnifique champ de découvertes que parcoururent ses successeurs.

Comme nous l’avons dit plus haut, Volta avait surtout présenté son appareil électromoteur, son organe électrique artificiel, comme spécialement propre aux expériences physiologiques. Conséquemment, ce fut un physiologiste, le chirurgien Anthony Carlisle, qui songea le premier, à Londres, à étudier les applications de la pile électrique.

À peine eut-il cet instrument entre les mains, que Carlisle découvrit le grand fait de la décomposition de l’eau par la pile.

Ainsi Volta laissa à un chirurgien l’honneur de cette importante découverte. On voit suffisamment, par ce seul fait, combien sont fondées les critiques que nous avons cru pouvoir élever contre le physicien de Côme et contre la manière dont furent dirigés ses premiers travaux.

Voici d’ailleurs comment Carlisle fut amené à cette découverte fondamentale.

Datée du 20 mars 1800, la lettre de Volta à sir Joseph Banks, ne parvint à Londres que dans les premiers jours du mois d’avril, et elle n’arriva pas en entier : on n’en reçut à Londres que les premiers feuillets, c’est-à-dire la partie que nous avons reproduite textuellement. Le reste de la lettre ne parvint à Londres que vers le milieu du mois de juin. Ce fut alors seulement que Joseph Banks put en