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Ce sont les expériences de Van Marum et de Pfaff, faites en novembre 1801, qui amenèrent les physiciens à abandonner l’usage de la pile à colonne, et à substituer à l’appareil primitif de Volta des dispositions plus commodes. Van Marum et Pfaff avaient construit pour leurs expériences des piles à colonne d’une grande puissance, qui contenaient jusqu’à soixante-dix couples superposés. Mais ils ne tardèrent pas à reconnaître qu’il était impossible d’obtenir, avec des colonnes d’une plus grande hauteur, même avec les plus larges couples, des effets proportionnés au nombre de ces couples. Quand on faisait usage, pour composer une pile à colonne, d’un nombre considérable d’éléments, les rondelles de drap ou de carton mouillé ne s’accommodaient pas de ce surcroît de poids. Les disques supérieurs comprimaient les rondelles de drap de la partie inférieure de la colonne, et en exprimaient tout le liquide, qui coulait le long de l’appareil et contrariait son action, parce qu’il mettait en communication tous les couples.

Van Marum imagina alors de diviser la colonne en plusieurs plus petites, reliées entre elles par un conducteur commun, ainsi que l’avait déjà fait d’ailleurs Nicholson en Angleterre, dans son expérience de la décomposition de l’eau. Mais quand on vint à augmenter les dimensions des plaques métalliques, on reconnut que cette division de l’appareil ne présentait pas de grands avantages. Quand on voulait prolonger la durée de l’expérience, les rondelles de carton perdaient presque tout leur liquide par le poids des disques supérieurs ; cette disposition n’avait donc remédié qu’en partie à l’inconvénient qu’il s’agissait d’éviter.

Cruikshank résolut parfaitement le problème, en rendant horizontale la pile verticale de Volta. Au lieu de superposer les couples métalliques, comme on l’avait fait jusque-là, il les disposa horizontalement, dans une longue boîte de bois, enduite à l’intérieur d’un mastic isolant (fig. 329, page 641). Les couples circulaires furent remplacés par des plaques rectangulaires de cuivre et de zinc, scellées au moyen d’un mastic, dans des rainures pratiquées aux parois de la boîte. Espacés de quelques lignes, les couples formèrent chacun la cloison d’une petite case ou d’une auge, où l’on plaça, au lieu de rondelles humectées, le liquide même dont on avait précédemment imprégné les rondelles. Cet appareil de Cruikshank, si commode dans la pratique, reçut le nom de pile à auges.

Cette nouvelle disposition de l’appareil électro-moteur, permit d’obtenir des effets beaucoup plus énergiques que ceux précédemment fournis par l’instrument de Volta. On ne trouva plus dès lors aucun obstacle pour augmenter le nombre et les dimensions des couples de la pile, et avec plusieurs plaques métalliques d’un ou de plusieurs pieds carrés de surface, on put obtenir des effets physiques vraiment extraordinaires.

Pepys, expérimentateur anglais, construisit, au mois de février 1802, la pile la plus puissante que l’on eût encore vue fonctionner. Elle se composait de soixante paires de plaques carrées, zinc et cuivre, de six pouces de côté, qui étaient contenues dans deux grandes auges, remplies de trente-deux livres d’eau, à laquelle on avait ajouté deux livres d’acide azotique. Un témoin oculaire des expériences de Pepys, en décrit ainsi les résultats :

« On brûla des fils de fer depuis un deux-centième jusqu’à un dixième de pouce de diamètre. La lumière dégagée de cette combustion était extrêmement vive. L’effet était très-agréable quand on brûlait plusieurs petits fils de fer tordus autour d’un plus gros.

« Du charbon fait avec du bois de buis, non-seulement s’allumait à l’endroit du contact, mais demeurait rouge d’une manière permanente, sur une longueur de près de deux pouces.

« Du plomb en feuilles brûlait avec beaucoup de vivacité après avoir rougi. Il formait un petit volcan d’étincelles rouges mêlées à la flamme.

« L’argent en feuilles brûlait avec une lumière verdâtre très-intense. On ne voyait pas d’étincelles, mais beaucoup de fumée. L’or en feuilles brûlait