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des hypothèses si bizarres que l’on a quelque peine à s’en rendre compte aujourd’hui. On confondit ces deux phénomènes, savoir : la formation de l’hydrogène et de l’oxygène, et la production d’un acide et d’un alcali. Cruikshank regardait l’acide formé pendant la décomposition électro-chimique de l’eau comme de l’acide azotique, et la base comme de l’ammoniaque. Désormes opinait pour l’acide chlorhydrique et l’ammoniaque. Mais, d’un autre côté, certains chimistes affirmaient que, sous l’influence de l’électricité, l’eau peut se convertir en une base et un acide ; d’autres regardaient l’oxygène et l’hydrogène comme de l’eau en combinaison avec l’électricité. Brugnatelli allait jusqu’à prétendre que le fluide électrique pouvait lui-même se changer en un corps matériel ; il admettait la formation d’un acide électrique. D’autres enfin, Monge, par exemple, pour expliquer l’apparition des deux gaz sur deux points du liquide éloignés l’un de l’autre, admettaient la formation d’une eau hydrogénée à un pôle, et d’une eau oxygénée à l’autre[1]. Et nous omettons encore bien des suppositions telles que leur sens précis ne saurait être clairement formulé.

C’est en cet état que Davy trouva la question ; elle était, comme on le voit, bien embrouillée et bien obscure. Cependant il n’hésita pas à aborder de front toutes ces difficultés.

Rien n’est plus intéressant que de suivre la série de tâtonnements successifs par lesquels Davy eut à passer dans l’exécution de son travail ; de montrer comment il réussit d’abord à dégager le grand fait de la décomposition de l’eau des phénomènes accessoires qui l’offusquaient ; comment il constata que les bases et les acides, dont l’apparition était constante, n’étaient pas, ainsi qu’on l’avait pensé, formés de toutes pièces durant l’opération, mais provenaient simplement de la décomposition de certains sels disséminés dans les vases dont on faisait usage ; comment il dut abandonner l’emploi des vases de verre pour ceux d’agate, puis ces derniers pour des vases d’or, qui ne pouvaient rien céder au courant voltaïque.

Une circonstance particulière s’était toujours présentée, comme nous venons de le dire, dans la décomposition de l’eau par la pile. On voyait constamment apparaître une base au pôle négatif, ce qui donnait lieu aux interprétations les plus diverses. Cette formation spontanée d’un acide et d’un alcali pendant la décomposition électro-chimique de l’eau fut le premier problème dont Davy se proposa la solution. Les piles dont il fit usage étaient composées, l’une de cent cinquante couples cuivre-zinc de 0m,12 de côté, l’autre de cent couples cuivre-zinc de 0m,16 de côté ; le liquide excitateur était une solution saturée de sulfate d’alumine. La disposition de l’expérience consistait à faire arriver le courant par un fil d’or ou de platine dans une capsule remplie d’eau distillée, et communiquant, au moyen d’une mèche d’amiante, avec une deuxième capsule également pleine d’eau, et dans laquelle plongeait le fil d’or ou de platine en contact avec le pôle négatif de l’électro-moteur (pile).

La solution que Davy donna du problème fut complète. Il démontra que l’eau distillée, qui était sensiblement pure pour les réactifs chimiques ordinaires, contenait pourtant des sels, et particulièrement de l’hydrochlorate de soude (sel marin), dont la base était transportée par le courant au pôle négatif, et l’acide au pôle positif de la pile. Il constata que la capsule, dans laquelle plongeait le fil positif, était elle-même rongée par l’action du courant, bien qu’elle fût composée des substances les moins solubles, c’est-à-dire de cristal, d’agate, de marbre, de sulfate de chaux, de sulfate de strontiane ou de baryte, etc. ; et que les sels contenus dans la substance de ces divers récipients étaient décomposés par la

  1. Dumas, Leçons sur la philosophie chimique professées au collége de France, Paris, 1837, in-8, onzième leçon, pages 396-406.