Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cependant l’introduction de ces premières machines à vapeur dans certains comtés de l’Angleterre, eut pour résultat d’attirer l’attention sur l’emploi mécanique de la vapeur d’eau. En même temps elle familiarisa avec son usage les populations des grands centres manufacturiers et les ouvriers des différentes professions.

En ce temps-là, vivaient dans la ville de Darmouth, deux honnêtes et industrieux artisans, unis, dès leur enfance, par une étroite amitié. C’était le serrurier Thomas Newcomen et le vitrier Jean Cawley. Une machine de Savery vint à être établie dans le voisinage de Darmouth. À leurs jours de loisir, Newcomen et Cawley aimaient à aller ensemble en considérer le mécanisme ; et ils devisaient, au retour, sur les effets de cette machine nouvelle qui les frappait de l’admiration la plus vive. Les deux amis échangeaient entre eux les différentes pensées que cette vue faisait naître dans leur esprit.

Newcomen avait quelque instruction, il n’était pas sans lecture. Compatriote du physicien Robert Hooke, il avait coutume de lui écrire, pour lui soumettre divers projets relatifs à sa profession. Jean Cawley engagea donc son ami à communiquer au docteur les réflexions que leur avait suggérées l’examen de la pompe à feu de Savery. À la suite de la correspondance qui s’établit entre eux sur ce sujet, Robert Hooke fit connaître à Newcomen la machine atmosphérique que Papin avait proposée en 1690 dans les Actes de Leipsick.

Il ne parut pas impossible aux deux artisans de mettre à exécution le plan du mécanicien français, et la correspondance continua sur ce nouveau point entre le docteur et l’intelligent ouvrier. Robert Hooke renouvelait auprès de Newcomen les critiques qu’il avait dirigées, devant la Société royale, contre la machine de Papin. Cependant ces objections ne produisaient qu’une impression médiocre sur l’esprit de l’artisan ; ses connaissances incomplètes en mécanique l’empêchaient sans doute d’apprécier toute la portée des critiques du savant.

On a trouvé dans les papiers de Robert Hooke le brouillon d’une lettre dans laquelle il essaye de dissuader Newcomen du projet de construire une machine d’après les idées du physicien français. Cette lettre renfermait ce passage significatif : « Si Papin pouvait faire le vide subitement dans son cylindre, votre affaire sera faite. »

Robert Hooke faisait allusion par là à l’excessive lenteur que présentaient les mouvements du piston dans la machine de Papin, par suite de l’absence de tout expédient propre à condenser rapidement la vapeur. C’est certainement en réfléchissant sur les moyens de produire plus promptement le vide dans le cylindre de Papin, que Newcomen et Cawley eurent l’idée, bien simple d’ailleurs et d’avance tout indiquée, de modifier la première machine à vapeur de Papin en condensant la vapeur par des affusions d’eau froide opérées à l’extérieur.

Quoi qu’il en soit, aidé de son ami le vitrier, Newcomen se mit à construire, au coin de sa forge, un modèle de machine, qu’il destinait à des expériences. Une chaudière servait à diriger un courant de vapeur dans l’intérieur d’un cylindre de cuivre muni d’un piston. Quand le piston était parvenu en haut de sa course, on condensait subitement la vapeur en faisant couler de l’eau froide sur la partie extérieure du cylindre. Dès lors, le poids de l’atmosphère, ne rencontrant plus de résistance au-dessous du piston, le faisait aussitôt redescendre.

Les deux artisans de Darmouth, se bornant à transporter dans la pratique les idées de Papin, venaient d’exécuter la première machine à vapeur atmosphérique, c’est-à-dire la machine la plus puissante et la plus simple qui eût été construite jusqu’à cette époque.

Newcomen et Cawley se mirent alors en campagne, pour obtenir du roi la délivrance d’un brevet qui leur assurât le privilége de