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leur machine. Mais le crédit d’un serrurier du Devonshire est chose assez mince, et il s’écoula un temps assez long avant que l’on songeât à examiner la demande des deux artisans.

Sur ces entrefaites, Savery fut instruit de leurs démarches. Le procédé de condensation de la vapeur par des aspersions d’eau froide, était mis en usage dans la machine de Newcomen et Cawley. Or la propriété de ce moyen, spécifié dans son brevet, était acquise à Savery aux termes de la loi anglaise. Savery s’opposa donc à l’autorisation sollicitée par Newcomen.

Un procès semblait inévitable pour vider cette question. Mais Newcomen et Cawley étaient quakers. En vertu des principes de leur secte, ils répugnaient à toute contestation, et surtout à un débat judiciaire. Ils proposèrent donc à Savery de le comprendre dans leur association, et au lieu de courir les chances d’un procès, de partager avec eux les bénéfices de l’exploitation future.

L’offre fut acceptée, et comme le capitaine Savery était sur un bon pied à la cour, il obtint aisément du roi George la délivrance du brevet.

C’est pour cela qu’en 1705 une patente royale fut délivrée aux trois associés, Newcomen, Cawley et Savery, pour la construction et l’exploitation d’une machine à vapeur.

En proposant à Savery de le comprendre dans leur association, Newcomen et Cawley avaient peut-être aussi quelque arrière-pensée d’intérêt. Ils étaient tous les deux dépourvus de connaissances théoriques, et comme leur machine n’avait jamais été construite que sur de petits modèles, le concours d’un ingénieur aussi habile et aussi instruit que Savery, ne pouvait leur être indifférent.

Il paraît cependant qu’ils furent trompés dans ce calcul, car peu de temps après, nous voyons les deux artisans livrés à leurs propres ressources.

Vers la fin de l’année 1711, Newcomen et Cawley firent des propositions aux propriétaires de l’une des mines de houille de Griff, dans le comté de Warwick, pour en épuiser les eaux, à l’aide de leur machine. Cinquante chevaux étaient employés, dans cette mine, aux travaux de desséchement, ce qui occasionnait pour ce seul objet, une dépense annuelle de plus de 22 000 francs.

Cette proposition ne fut point agréée ; mais les associés furent plus heureux, six mois après, car ils réussirent à passer un marché avec M. Back, de Wolverhampton, pour un travail analogue.

Il ne s’agissait donc plus que de construire la machine. Mais Newcomen et Cawley n’étaient ni assez physiciens pour se laisser guider par la théorie, ni assez mathématiciens pour calculer l’action des diverses pièces et les proportions à donner à chacune d’elles. Ils étaient donc embarrassés pour l’exécution de leur marché. Heureusement ils se trouvaient près de Birmingham, à la portée d’un grand nombre d’ouvriers ingénieux et adroits. Grâce à leur concours, ils parvinrent à fabriquer convenablement les pistons, les soupapes et les cliquets. La machine, définitivement construite, fut installée à l’entrée de la mine, et commença à fonctionner.

Elle marchait depuis quelques jours à peine, lorsque le hasard donna aux deux associés, l’occasion d’y apporter une amélioration capitale, qui en augmenta la puissance dans une proportion inattendue.

Un jour, la machine marchant comme à l’ordinaire, on la vit soudain accélérer ses mouvements, et les coups de piston se succéder avec une vitesse inusitée. Après bien des recherches, on découvrit la cause de cet heureux phénomène.

Dans les premiers temps de la fabrication des machines à vapeur, on ne possédait pas encore les moyens de construire des pistons et des cylindres assez bien ajustés pour qu’il n’existât aucun intervalle entre les parois intérieures du cylindre et celles du piston.