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En énumérant les avantages du curieux instrument qu’il avait imaginé, le physicien de Munich montrait qu’il comprenait tout l’avenir de la télégraphie électrique. Seulement l’appareil qu’il proposait offrait trop d’imperfection pour être adopté dans la pratique. Le fait de la décomposition de l’eau qu’il avait choisi comme l’indice de la présence du fluide, ne pouvait suffire à remplir un tel objet. Pour satisfaire aux conditions du problème de la télégraphie électrique, il fallait substituer au phénomène faible et obscur d’une action chimique, un effet mécanique d’une certaine intensité.

Un intervalle assez long s’écoula avant que la science pût fournir les moyens de satisfaire à cette condition. Ce dernier pas fut heureusement franchi par la découverte de l’électro-magnétisme. Œrsted observa, en 1820, le fait fondamental qui sert de base à l’électro-magnétisme. Ce physicien reconnut qu’un courant voltaïque circulant autour d’une aiguille aimantée, agit à distance sur cette aiguille, et la détourne de sa position naturelle. Si l’on fait circuler autour d’une aiguille aimantée, un courant voltaïque, on voit aussitôt l’aiguille dévier brusquement, osciller pendant quelques instants et abandonner sa direction vers le nord.

La possibilité d’appliquer ce phénomène à l’art télégraphique fut bien vite saisie par les physiciens. Voici, par exemple, ce qu’écrivait Ampère, le 2 octobre 1820, très-peu de temps après la découverte d’Œrsted :

« D’après le succès de cette expérience, on pourrait, au moyen d’autant de fils conducteurs et d’aiguilles aimantées qu’il y a de lettres, et en plaçant chaque lettre sur une aiguille différente, établir, à l’aide d’une pile placée loin de ces aiguilles, et qu’on ferait communiquer alternativement par ses deux extrémités à celles de chaque fil conducteur, une sorte de télégraphe propre à écrire tous les détails qu’on pourrait transmettre, à travers quelques obstacles que ce soit, à la personne chargée d’observer les lettres placées sur les aiguilles. En établissant sur la pile un clavier dont les touches porteraient les mêmes lettres, et établiraient la communication par leur abaissement, ce moyen de correspondance pourrait avoir lieu avec assez de facilité, et n’exigerait que le temps nécessaire pour toucher d’un côté et lire de l’autre chaque lettre[1]. »

Cependant les courants voltaïques produisent sur l’aiguille aimantée un si faible effet mécanique, qu’il fut à peu près impossible d’appliquer l’électro-magnétisme à l’usage de la télégraphie tant que l’on ne posséda pas le moyen d’augmenter l’intensité de ce phénomène.

Fig. 34. — Le galvanomètre.

Tel est précisément le résultat qui fut obtenu par la découverte du multiplicateur ou galvanomètre. Le physicien Schweigger reconnut qu’un courant voltaïque circulaire agit par toutes ses parties, pour diriger dans le même sens, une aiguille aimantée, qu’il enveloppe de toutes parts ; de telle sorte que, si l’on enroule sur lui-même (fig. 34) le fil conducteur d’une pile CC′, en l’isolant sur toute son étendue par une enveloppe de soie de manière à former une sorte de bobine A et que l’on place au milieu de cet assemblage, l’aiguille aimantée S, en la tenant suspendue au moyen d’un fil isolé L, on peut produire, avec cent tours par exemple, un effet cent fois plus grand qu’avec un fil d’un seul

  1. Annales de chimie et de physique, t. XV, p. 72.