Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tache, comme un cordon de sonnette, et qui est susceptible de prendre toutes les directions et toutes les inflexions ; ces deux aiguilles et ces cadrans semblables, placés aux deux stations ; les mots de fluide électrique ou magnétique, qui sont prononcés ; tout cela ne peut s’appliquer, qu’au télégraphe à cadran en usage aujourd’hui dans nos chemins de fer.

Jean Alexandre aurait donc eu le mérite d’avoir le premier, c’est-à-dire en 1802, fait l’application de la pile de Volta à la télégraphie électrique.

Si l’on n’accordait pas à notre malheureux compatriote l’honneur que nous réclamons pour lui, il faudrait franchir un intervalle de près de dix années, et arriver à l’année 1811, pour trouver la première application vraiment scientifique de la pile de Volta à la télégraphie.

Ce qu’il fallait pour appliquer la pile de Volta à la transmission des signaux, c’était le moyen de rendre sensible à distance, l’effet de l’électricité : il fallait provoquer d’une station à l’autre, une action mécanique, un mouvement quelconque. Parmi les phénomènes auxquels la pile de Volta donne naissance, celui qui attirait le plus l’attention, au début de cette grande découverte, c’était la décomposition de l’eau. Tel est le fait qui fut choisi comme moyen indicateur de la présence de l’électricité dans le circuit. Le télégraphe électrique que le physicien Sœmmerring fit connaître en 1811, à l’Académie de Munich, était fondé sur la décomposition électrochimique de l’eau.

Cet appareil, remarquable pour l’époque, offrait les dispositions suivantes. À l’une des stations était établie une pile à colonne, qui constituait la source d’électricité. Cette pile servait à former trente-cinq circuits voltaïques, composés chacun, d’un double fil, l’un pour l’aller, l’autre pour le retour du courant. Sur tout le parcours, ces fils étaient isolés par une enveloppe de soie, et le faisceau résultant de leur ensemble était recouvert d’un vernis isolateur. Tous ces fils pouvaient, de cette manière, être parcourus par le fluide, sans s’influencer ni se troubler mutuellement. À l’autre station, ces trente-cinq circuits venaient se rendre chacun, dans un petit vase plein d’eau distillée. Ces différents vases étaient destinés à représenter les vingt-cinq lettres de l’alphabet allemand et les dix chiffres de la numération. Lorsque, à la station où se trouvait la pile, on faisait passer l’électricité dans l’un des circuits, l’eau se décomposait instantanément dans le vase correspondant placé à la station extrême, et l’on pouvait ainsi désigner à volonté et malgré la distance, les différentes lettres de l’alphabet.

Le projet de Sœmmerring eût présenté dans la pratique des difficultés considérables : cependant l’ingénieux physicien qui en avait conçu l’idée avait parfaitement saisi, dès cette époque, les avantages de la télégraphie électrique. Sœmmerring fait remarquer, dans son mémoire, que ce nouveau moyen de correspondance fonctionne de nuit aussi bien que de jour, et que les brouillards ne peuvent retarder son action. Il ajoute que le télégraphe électrique présente sur le télégraphe aérien une supériorité immense, puisqu’il permet d’exprimer les signaux avec une rapidité incalculable ; qu’il fonctionne sans que rien décèle au dehors le passage des signaux ; qu’il n’exige la construction d’aucun édifice particulier ; qu’il peut aboutir en tel lieu que l’on veut choisir ; enfin qu’il rend superflu le langage compliqué et le vocabulaire secret de la télégraphie aérienne. Bien qu’il n’eût point déterminé la vitesse de transmission de l’électricité, Sœmmerring avait reconnu qu’une différence de deux mille pieds dans la longueur du conducteur, n’apportait aucun retard appréciable à la décomposition de l’eau ; d’où il concluait que l’action de son télégraphe pourrait s’étendre à une distance quelconque, sans exiger de stations intermédiaires.