Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

noir. Quand on changeait la direction, c’était l’autre bec, qui venait toucher la feuille de papier et y marquer un point noir. En combinant ces points de différentes manières, M. Steinheil avait composé un alphabet conventionnel.

Le télégraphe magnétique de M. Steinheil contenait une innovation importante, qui permettait d’entrevoir la solution prochaine du problème de la télégraphie électrique. Jusque-là, en effet, tous les expérimentateurs, y compris M. Wheatstone, avaient fait usage de plusieurs circuits voltaïques : M. Steinheil n’employait qu’un seul courant, un seul fil, ce qui rendit la télégraphie immédiatement pratique.

Mais ce qui attachera au nom de M. Steinheil, une gloire impérissable, c’est la découverte que fit, en 1838, le physicien de Munich, de la possibilité de supprimer le fil de retour du circuit, en prenant la terre elle-même pour ce conducteur de retour.

Nous avons raconté dans la notice sur la Machine électrique, les expériences que Watson fit sur la Tamise, en 1747, et dans lesquelles la terre était prise pour moitié dans un circuit parcouru par une décharge électrique. Les expériences que Watson avait faites avec l’électricité statique, furent répétées en 1803, avec l’électricité voltaïque, par MM. Erman, Basse (de Berlin) et Aldini, qui reconnurent que la propagation du courant se faisait parfaitement à travers la terre. Personne néanmoins n’avait pensé à appliquer ce fait à la télégraphie électrique, lorsque cette pensée se présenta à l’esprit de M. Steinheil.

C’est en 1838 que M. Steinheil fit cette expérience, vraiment fondamentale pour l’avenir de la télégraphie électrique. Il disposait d’un fil métallique d’environ deux lieues de longueur. À l’extrémité libre de ce fil, il adapta une plaque métallique, qui fut enterrée dans le sol humide, tandis que le fil du pôle opposé de la pile était muni d’une plaque toute pareille, que l’on enfonçait de la même manière dans le sol humide. Or l’électricité parcourut facilement ce circuit, dont la moitié était formée par la terre, et elle revint au pôle opposé, ou du moins le courant s’établit comme si le fil métallique de retour n’eût pas été supprimé.

Ce phénomène, est assez difficile à expliquer. On admet que la terre, quoique peu conductrice sur un petit espace, est un excellent conducteur, en raison de l’énormité de sa masse ; et que dès lors, elle peut, par l’instantanéité de sa conductibilité, ramener l’électricité à la source de départ. Mais ce retour sans confusion, au point précis du départ du courant, est vraiment inadmissible. Aussi d’autres physiciens, ne comprenant pas que l’électricité puisse revenir ainsi à travers la substance de la terre à son point de départ, considèrent la terre comme un réservoir dans lequel viennent se perdre le fluide positif et le fluide négatif émanant de la pile ; de telle sorte que l’électricité, s’écoulant constamment dans le sol, le courant est sans cesse renouvelé et entretenu par la source d’électricité.

Quoi qu’il en soit de l’explication théorique, le fait est certain : la terre peut servir de conducteur de retour dans une ligne télégraphique. Cette découverte, due à M. Steinheil, était d’une importance immense puisqu’elle permettait de supprimer le fil de retour, et de diminuer ainsi de moitié la longueur du conducteur métallique.

Cependant le problème de la télégraphie électrique n’était pas encore entièrement résolu. L’électricité devait faire de nouveaux pas pour que le nouveau système de communications télégraphiques atteignît à sa perfection. Ce dernier pas fut franchi par la découverte de l’aimantation temporaire du fer sous l’influence du courant électrique, dont la physique est redevable à François Arago, comme nous l’avons déjà raconté dans la notice sur la pile de Volta.