Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/119

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Depuis l’année 1845, dans les États de l’Union américaine, le télégraphe électrique a été mis à la disposition du public. Le gouvernement abandonne à la concurrence industrielle l’exploitation du service général de la nouvelle télégraphie ; il se réserve seulement l’usage d’un ou de deux fils sur les lignes établies. Aussi la concurrence n’a-t-elle pas tardé à multiplier singulièrement le nombre des lignes et à perfectionner les appareils. Entre certaines villes, il existe quelquefois deux ou trois établissements rivaux pour l’exploitation de la correspondance électrique.

Par suite de ces faits, la télégraphie électrique a pris aux États-Unis un développement immense ; elle rend au commerce, à l’industrie, aux relations privées des citoyens, des services qui sont de tous les jours et de tous les instants.

Aux États-Unis, le télégraphe électrique n’est donc ni la propriété de l’État, comme en France et dans les principaux pays de l’Allemagne, ni l’objet d’un monopole concédé à une compagnie unique, comme en Angleterre. La transmission des dépêches par l’électricité, est une industrie particulière, exploitée par des compagnies nombreuses, qui ne relèvent en rien, pour leur administration, du gouvernement central ou de celui des États, et qui, dans beaucoup de parties de l’Union américaine, peuvent se former sans aucune sanction de l’autorité publique. Tout citoyen, toute réunion de citoyens, a le droit d’établir, d’un point à un autre, dans certains États, une communication électrique, à la seule condition de se soumettre aux lois et ordonnances pour l’établissement des fils dans les villes, sur les routes, sur les chemins de fer, sur les monuments publics, et dans les propriétés particulières. La constitution politique et sociale du pays donne à cet égard toute liberté.

Les lignes de télégraphie électrique sont loin d’être construites en Amérique, avec le soin qu’on y apporte en Europe. Pour les télégraphes électriques comme pour les chemins de fer, on se préoccupe de créer rapidement plutôt que de bien faire. Les poteaux qui servent à soutenir les fils élevés dans l’espace, ne sont pas, comme ceux des lignes européennes, de bonnes et solides branches de sapin, bien sèches et injectées de sels qui en assurent la conservation. Ce sont tout simplement de jeunes arbres à peine dégrossis. Dans les villes, ces poteaux sont très-élevés et très-solides ; fixés sur les bords des trottoirs, ils supportent de 12 à 15 fils. Hors des villes, le télégraphe est placé le long des chemins de fer, sur le bord des routes, des canaux ou des rivières. Aucune difficulté ne retarde, aucun obstacle n’arrête dans son installation. S’il se rencontre d’immenses forêts où l’homme n’ait jamais pénétré, on n’hésite pas devant cet obstacle : le surveillant du télégraphe sera peut-être la seule créature humaine qui traversera ces déserts. On fixe contre le tronc des arbres de longs clous à tête recourbée, et l’on y attache un goulot de verre, qui livre passage au fil (fig. 49, page 117).

Tel est, dans les forêts d’Amérique, le système économique de suspension et d’isolement du fil de télégraphe. Aussi résulte-t-il de cette disposition, par trop simple, de fréquentes interruptions dans les communications. Des accidents nombreux, comme la chute des arbres pourris, des orages, des ouragans, la présence de la séve dans l’arbre qui établit une conductibilité vers le sol, occasionnent très-souvent la rupture des communications télégraphiques.

Des brigades d’hommes sont chargés de la surveillance des fils et poteaux ; ils parcourent sans cesse la ligne, munis des outils nécessaires pour les réparations. Dans les pays où la population est un peu compacte, ces cantonniers sont placés à d’assez grandes distances, par exemple, à 50, 100 et quelquefois 150 kilomètres les uns des autres. Mais sur les lignes qui traversent les épaisses forêts du