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dans la solitude des campagnes, pût y rester à l’abri des atteintes des malfaiteurs ou des gens mal intentionnés. L’expérience a prouvé combien ces craintes étaient chimériques ; mais à cette époque, c’était là la grande objection que chacun mettait en avant.

Il est certain que si les chemins de fer n’eussent pas existé en France, l’adoption de la télégraphie électrique aurait encore éprouvé de longs retards. Heureusement, les voies ferrées offraient pour l’expérience de ce système, une voie toute tracée, et soumise à une surveillance des plus sévères. Ce fut là surtout ce qui tranquillisa le gouvernement quant à la possibilité de mettre à l’essai une ligne de fils télégraphiques.

Une ordonnance royale en date du 23 novembre 1844, ouvrit donc un crédit de 240 000 francs, pour établir, à titre d’essai, une ligne télégraphique sur la voie du chemin de fer de Paris à Rouen.

M. L. Bréguet fut chargé de diriger les travaux. Le 22 janvier 1845, les poteaux étaient plantés ; le 27 avril, cette ligne d’essai fonctionna jusqu’à Mantes, et le 18 mai des dépêches étaient échangées avec le plus grand succès entre Paris et Rouen.

Cette expérience jugeait suffisamment la question. Dans la session législative de 1846, le gouvernement présenta à la Chambre des députés un projet de loi relatif à un crédit extraordinaire de 408 650 francs pour l’établissement d’une ligne de télégraphie électrique de Paris à Lille.

M. Pouillet, rapporteur de ce projet de loi, le défendit avec peu de chaleur. Il redoutait la dépense de 7 millions, que devait exiger, selon lui, la substitution du télégraphe électrique au télégraphe aérien sur toutes les lignes en activité. Il faisait remarquer que l’adoption du télégraphe électrique rendrait difficile au gouvernement le maintien du monopole légal des communications télégraphiques. Sans se prononcer sur les avantages de ce changement de système, il trouvait qu’il était plus convenable d’attendre les expériences faites en d’autres pays pour se prononcer sur les avantages du télégraphe électrique.

La timidité du rapport de M. Pouillet, interprète fidèle des sentiments de la commission qui avait préparé le projet de loi, ne pouvait que maintenir la Chambre des députés dans ses demi-convictions. M. Mauguin regrettait l’abandon du système de télégraphie aérienne inventé par M. Gonon, et M. Berryer déclarait n’avoir qu’une foi très-médiocre dans l’avenir de la télégraphie électrique. La loi fut votée le 4 juin 1846 à une très-grande majorité ; mais il fut décidé en même temps que, par prudence, la ligne aérienne qui existait de Paris à Lille serait maintenue et continuerait son service.

La loi fut promulguée le 3 juillet 1846. Elle attribuait une somme de 489 650 francs à l’établissement d’une ligne allant de Paris à Lille, avec un embranchement de Douai à Valenciennes,

Le système d’appareils qui fut adopté, se ressentait de l’extrême tiédeur du gouvernement ou de l’administration pour la télégraphie électrique. Dans la substitution progressive du nouveau système à l’ancien, on désirait faire suivre au fil électrique la direction des lignes existantes de télégraphie aérienne. C’est en obéissant à cette même pensée générale, et conformément à cet esprit de conduite, que le directeur des lignes télégraphiques, M. Alphonse Foy, exigea que l’appareil électrique ne servît qu’à exécuter les signaux du télégraphe aérien.

Demander à l’électricité le moyen de reproduire sur un petit appareil les signaux du télégraphe de Chappe, c’était poser un problème difficile au mécanicien chargé de le résoudre. Ce mécanicien c’était M. L. Bréguet, qui sut remplir avec bonheur les conditions posées par le programme de l’administration.

M. L. Bréguet est le petit-fils du célèbre horloger Bréguet, dont les beaux travaux en