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même bande de papier portant la dépêche.

Mais ce qu’il y a de prodigieux, ce qui a causé une impression de surprise sans égale à tous les mécaniciens de l’Europe, c’est la rapidité de cette impression. La dépêche s’imprime au vol, pour ainsi dire. Tandis que le télégraphe Morse ne peut fournir dans une heure que de vingt à vingt-quatre dépêches de vingt mots, le télégraphe Hughes en donne jusqu’à cinquante par heure, c’est-à-dire presque une dépêche de vingt mots par minute. C’est un résultat que tout mécanicien eût déclaré d’avance impossible, car il semblait qu’un certain temps d’arrêt fut indispensable, pour que chaque caractère imprimât nettement sa trace sur le papier. Cette impossibilité pratique, ce véritable prodige, est réalisé tous les jours par l’appareil du professeur américain.

Aussi le télégraphe Hughes a-t-il été promptement adopté par tous les États de l’Europe, qui l’emploient concurremment avec le télégraphe Morse. On conserve le télégraphe Morse sur les lignes qui ne sont pas très-occupées, et l’on se sert du télégraphe Hughes, quand il s’agit de satisfaire à une correspondance très-active.

Le télégraphe Hughes est, au point de vue mécanique, d’une assez grande complication pour que nous devions renoncer à décrire tous ses rouages secondaires, dont les hommes du métier peuvent seuls apprécier les fonctions, ou l’utilité. Nous nous bornerons à faire connaître les dispositions essentielles de cet appareil.

Le manipulateur est un clavier semblable à celui d’un piano, c’est-à-dire composé de touches blanches et de touches noires, dont vingt-six portent les lettres de l’alphabet, la vingt-septième, un point, et la dernière ne porte rien. Dans cet appareil, le rôle de l’électricité est réduit à sa plus simple expression ; ce qui permet de supprimer les relais qui sont, comme nous l’avons dit, indispensables au télégraphe Morse. La force motrice est empruntée, non au courant électrique, mais à un poids de 50 à 60 kilogrammes, qui fait marcher tout l’appareil d’une manière continue et régulière, comme une ancienne horloge : quand ce poids est descendu au bas de sa course, on le relève, en pressant avec force sur une pédale. Toute la fonction de l’électricité consiste à faire embrayer et désembrayer une roue, pourvue d’un excentrique, qui, au moment voulu, soulève la bande de papier, et la pousse contre la lettre chargée d’encre.

Les organes dont nous venons de faire connaître les fonctions sont représentés dans la figure 61. Au-dessous du clavier ou manipulateur, on voit le poids moteur de tout le système, P, soutenu par une chaîne sans fin A A. Cette chaîne s’enroulant sur la poulie B fait tourner la roue C, et, au moyen d’un pignon et d’une roue intermédiaire, vient faire tourner la roue D, placée à gauche des deux premières. Cette roue D, au moyen d’organes divers, que nous négligeons, vient faire tourner le disque imprimeur E. Ce disque porte, en effet, sur sa circonférence, les 28 lettres ou signes correspondant à ceux du clavier. Ce sont les caractères gravés en relief sur la circonférence de cette roue, qui produisent l’impression sur le papier tournant M M. Une molette E′, garnie sur tout son contour d’une étoffe imbibée d’encre, fournit au disque imprimeur E l’encre grasse nécessaire à cette impression typographique.

Dans la figure que le lecteur a sous les yeux, G, H représentent les fils de la pile, dont l’un se rend au clavier, et l’autre à l’électroaimant K. Cet électro-aimant entre en action pour embrayer ou désembrayer le mécanisme du disque imprimeur, grâce au disque I, sur lequel il faut maintenant appeler l’attention.

Ce disque est percé, sur sa circonférence, de 28 trous, dans chacun desquels passe une dent d’acier, mue par un petit levier, lequel est mis en action lorsque l’opérateur vient à poser le doigt sur une des touches du cla-