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On renonça donc à cette combinaison, pour essayer l’électricité. Dans ses travaux de physique, l’abbé Chappe s’était surtout occupé d’électricité, et cet agent paraissait satisfaire si bien à toutes les conditions du problème télégraphique, que des essais de cette nature étaient, pour ainsi dire, commandés. Son cabinet de physique permit d’entreprendre les expériences ; mais les frais qu’elles occasionnaient ne tardèrent pas à s’élever si haut, qu’il fallut vendre tous les instruments pour continuer d’autres recherches. D’ailleurs, ces essais, exécutés nécessairement avec l’électricité statique, n’amenaient aucun résultat avantageux.

On trouve dans un rapport célèbre, sur lequel nous aurons à revenir, et qui fut présenté, en l’an II, par Lakanal, à la Convention nationale, la description sommaire du moyen que Claude Chappe voulait employer pour appliquer l’électricité à former des signaux.

« L’électricité, dit Lakanal, fixa d’abord l’attention de ce laborieux physicien ; il imagina de correspondre par le secours des temps marquant électriquement les mêmes valeurs, au moyen de deux pendules harmonisées. Il plaça et isola des conducteurs à de certaines distances ; mais la difficulté de l’isolement, l’expansion latérale du fluide dans un long espace, l’intensité qui eût été nécessaire et qui est subordonnée à l’état de l’atmosphère, lui firent regarder son projet de communication par l’électricité comme chimérique. »

En d’autres termes, Claude Chappe avait songé à mettre à profit la vitesse de transmission de l’électricité, pour indiquer le moment précis où deux pendules bien d’accord, passeraient sur certains points de leurs cadrans, et indiqueraient ainsi le moment de lire certains signaux inscrits sur ce cadran. L’inventeur du télégraphe aérien avait donc tenu, un moment entre ses mains, cette électricité, qui plus tard, devait renverser son système. Le fait est curieux à noter.

Renonçant à faire usage de l’électricité, Chappe eut recours à l’emploi de corps diversement colorés. Mais il fut arrêté par la difficulté de bien discerner l’opposition des couleurs à de grandes distances.

Il essaya ensuite, mais sans plus de succès, d’appliquer le micromètre aux lunettes dont il s’était servi pour ses expériences sur les corps colorés.

Il en revint alors aux deux horloges concordantes, portant sur leurs cadrans une série de signaux convenus. Quand l’aiguille du cadran arrivait au signal qu’il fallait transmettre, on produisait un bruit, qui devait être perçu d’un poste à l’autre.

Fig. 9. — Claude Chappe.

À la fin de l’année 1790, Chappe, de concert avec ses frères, fit une véritable expérience de ce moyen télégraphique. Il avait établi deux stations à la distance de 400 mètres, chacun de ces postes étant muni d’une pendule bien concordante avec l’autre. Quand l’aiguille du cadran passait sur le signal à indiquer, on produisait un bruit intense, en frappant l’une contre l’autre, comme les cymbales de nos orchestres, deux casseroles de cuivre.