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Il va sans dire que ce moyen grossier ne pouvait servir qu’entre deux postes peu éloignés. On le remplaça avec grand avantage, par l’emploi d’un corps élevé en l’air, visible à grande distance, et qui, par son apparition, marquait l’instant précis où il fallait regarder la pendule, pour connaître le signal à noter.

Le problème de la télégraphie aérienne paraissait à peu près résolu par ce moyen. Le 2 mars 1791, Claude Chappe en fit une expérience publique, qui lui donna une date et une authenticité certaines. Il convoqua les officiers municipaux de Parcé (district de Sablé, département de la Sarthe), pour assister à cette expérience.

Deux stations avaient été établies, l’une à Parcé, l’autre au château de Brûlon, distants de 15 kilomètres. Une planche de bois d’un mètre et demi de hauteur, sur une largeur un peu moindre, peinte d’un côté en noir, de l’autre en blanc, et pouvant pivoter sur elle-même, était placée à quatre mètres d’élévation au-dessus du sol. Lorsque l’aiguille de l’horloge de la station du départ passait sur le signe à transmettre, on faisait pivoter sur son axe la planche, qui changeait aussitôt de place et marquait ainsi le signal qu’il fallait noter.

Plusieurs phrases furent échangées par ce moyen, entre les deux stations. Le lendemain 3 mars, les mêmes expériences furent reprises avec autant de succès. Les témoins de ces expériences signèrent des procès-verbaux qui constataient sa parfaite réussite[1].

Les frères Chappe continuèrent ces expériences, pour perfectionner leur système.

Quand il leur parut répondre à tous leurs désirs, ils songèrent à le présenter au gouvernement. Au moment où la république était obligée de faire face à tant d’ennemis, sur vingt champs de bataille, la découverte d’un moyen instantané de correspondance ne pouvait être accueillie qu’avec empressement.

Telle était du moins l’espérance des frères Chappe, qui, un beau jour, quittèrent leur pays, emportant dans leur portefeuille les procès-verbaux des notables de Parcé et de Brûlon, où se trouvaient relatés les merveilleux effets de leur machine, et dans leurs bagages la machine elle-même.

Ils arrivèrent à Paris à la fin de 1791.

Avant de demander au gouvernement l’examen de leur invention, ils jugèrent utile de la montrer à tous les yeux. La sanction préalable de l’opinion publique leur semblait un prélude favorable. Une expérience faite devant tout Paris, sur une promenade très-fréquentée, devait donner à leur découverte une notoriété utile à leurs projets.

Ils demandèrent donc à la commune de Paris l’autorisation d’établir à leurs frais, une de leurs machines sur l’un des deux pavillons qui étaient placés à la barrière de l’Étoile, aux Champs-Elysées.

La Commune de Paris accorda l’autorisation désirée, sans toutefois répondre de rien. À cette époque de troubles et de méfiance populaire, on ne pouvait prévoir l’accueil qui serait fait à une expérience dont l’objet ne pouvait être généralement compris.

En effet, la machine de Claude Chappe, élevée sur l’un des pavillons de la barrière de l’Étoile, fut trouvée, un matin, mise en pièces. Le gardien affirma n’avoir rien entendu ; mais on sut plus tard, que des gens du peuple s’étaient rués, pendant la nuit, sur la machine, et l’avaient brisée, sans que personne eût osé s’y opposer.

Claude Chappe ne fut pas découragé par cet incident. Seulement il chercha un lieu mieux défendu contre les caprices du peuple. Il obtint l’autorisation d’établir une nouvelle machine dans le parc que le représentant Lepelletier de Saint-Fargeau possédait à Ménilmontant.

C’est bien une nouvelle machine qu’il faut dire, car Claude Chappe avait apporté à son système une modification importante.

  1. Ces procès-verbaux sont rapportés dans l’Histoire de la télégraphie d’Ignace Chappe, note 7, pages 234-242.