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tive, par exemple, les fils de fer extérieurs sont chargés d’électricité négative. Le courant d’électricité positive qui traverse le fil, décompose par influence le fluide naturel de l’enveloppe métallique extérieure ; le fluide positif de cette enveloppe est repoussé et se perd dans l’eau de la mer, qui lui offre un libre passage, tandis que le fluide négatif reste à l’état de liberté, dans l’enveloppe extérieure.

Ainsi s’explique, si l’anecdote est vraie, l’accident de cet amateur, qui, en présence de M. Faraday, voulut, dans un accès d’enthousiasme, donner un baiser au télégraphe atlantique. À peine eut-il posé ses lèvres à l’extrémité du câble que, mettant ainsi en communication les deux surfaces différemment électrisées, il fut renversé, par une véritable commotion, semblable à celle que fait ressentir la bouteille de Leyde.

Quoi qu’il en soit de l’authenticité de l’anecdote, on comprend que le courant inverse qui parcourt les fils de fer de l’armature extérieure du câble atlantique, exerce une action fâcheuse sur le courant principal qui chemine dans le fil intérieur : il retarde sa marche ; il le paralyse, en le neutralisant.

Il ne faut pas néanmoins s’exagérer l’influence fâcheuse de ce courant d’électricité inverse qui parcourt l’enveloppe du câble. La science permet de calculer exactement la perturbation occasionnée dans le courant principal par ce courant extérieur. On sait, par les lois de Ohm, que, dans le câble atlantique tel qu’il est construit, le courant électrique intérieur ne peut jamais être anéanti, mais seulement retardé dans une certaine mesure.

Il importait donc de supprimer ces courants d’induction, et l’on parvint complètement à ce résultat, dans le nouveau câble qui fut construit, grâce à un perfectionnement de la plus haute importance qui fut introduit par M. Witehouse dans la manière d’envoyer l’électricité dans le câble.

Nous avons dit plus haut, qu’il se produit dans l’enveloppe métallique extérieure, un courant opposé à celui qui parcourt le fil intérieur, et que cet antagonisme entraîne, comme conséquence, un certain retard dans la vitesse de transport du fluide. Pour parer à cet inconvénient, M. Witehouse eut une idée qui va paraître simple quand on en sera instruit, mais qui est véritablement, par sa simplicité même, une inspiration du génie. Pour anéantir l’effet nuisible du courant d’induction extérieur, M. Witehouse eut la pensée d’envoyer alternativement dans le câble, de l’électricité positive et de l’électricité négative. À cet effet, admirez encore la simplicité, dans le moyen d’exécution, M. Witehouse fit usage d’un pendule, qui, à un intervalle marqué par chacune de ses oscillations, fait passer alternativement dans le fil conducteur, de l’électricité positive et de l’électricité négative, parce qu’il vient se mettre successivement en contact à chacune de ses oscillations périodiques, avec le pôle, positif ou négatif, de la pile ou de la source d’électricité. Vous voyez le résultat de cette manœuvre : en changeant ainsi, alternativement, la nature de l’électricité envoyée dans le câble, on annule, on neutralise le courant d’induction provoqué dans l’enveloppe. Lorsque, en effet, l’électricité positive envoyée d’abord à l’intérieur du câble, a provoqué, par induction, dans l’armature extérieure, un courant d’électricité négative, si, au bout de quelques secondes, on envoie dans le câble de l’électricité négative, celle-ci provoque à son tour, par influence, par induction, un courant d’électricité positive dans cette même armature extérieure, et tout aussitôt, ces deux courants s’annulent, se neutralisent, s’anéantissent l’un l’autre, absolument comme se neutralise un acide par un alcali, absolument comme on détruirait, dans un tube, des vapeurs d’ammoniaque par un courant d’acide chlorhydrique. On le voit, il n’est rien de plus curieux, et l’on peut ajouter, rien de plus efficace dans la pratique.