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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/259

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maines que nécessiterait l’opération de la pose du fil ? Or, une seule de ces causes devait suffire à engloutir dans la mer, les huit à dix millions qu’avaient absorbés ces travaux. N’était-il pas vrai que de tout le câble, perdu en 1858, on était parvenu à retirer à peine quelques kilomètres ?

À ces réflexions décourageantes, les hommes de l’art répondaient par des considérations empreintes du même caractère de vérité.

Fig. 147. — George Saward, secrétaire de la Compagnie du câble atlantique anglo-américain.

L’immersion d’un câble transatlantique, que l’on avait tant de fois déclarée impossible, venait d’être accomplie : elle pouvait donc réussir une fois de plus. Aucun mauvais temps n’était survenu pendant la pose en 1858 ; les mêmes circonstances pouvaient donc se présenter encore. La transmission des signaux avait été lente, il est vrai, mais elle s’était faite, et l’on ne pouvait plus prétendre que le passage d’un courant électrique d’un monde à l’autre fût impossible. Il n’y avait donc plus qu’à perfectionner les appareils de transmission afin d’activer la vitesse des signaux, à exécuter avec un soin minutieux la fabrication d’un nouveau câble, et à rendre les appareils de dévidement du fil, plus puissants et plus dociles.

Les promoteurs de l’entreprise ne négligeaient rien pour appeler à eux les capitaux, et M. George Saward, le secrétaire de la Compagnie du câble atlantique, se multipliait pour hâter la reprise des opérations de cette compagnie. On émit des actions de 5 livres sterling seulement, pour les mettre à la portée de toutes les bourses, et le gouvernement anglais promit une garantie de 500 000 francs par an, pour les recettes du futur câble atlantique.

La compagnie lança ses appels de fonds le 20 décembre 1862. Au commencement de 1864, le capital nécessaire fut réuni, et l’on put commencer les travaux. MM. Glass et Elliott consentirent à fabriquer le câble en recevant en payement des actions de la Compagnie. En outre, ils souscrivirent pour 625 000 francs. Comme les États-Unis étaient absorbés par la guerre civile, le gouvernement anglais garantit seul aux actionnaires un minimum d’intérêt.

Il avait fallu six ans pour remplacer le capital enfoui au fond de l’eau ; mais le temps avait été parfaitement mis à profit. On avait profité de l’expérience acquise dans cet intervalle, par l’immersion du câble télégraphique dans la mer Rouge et le golfe Persique, par le succès des tentatives faites pour relier Barcelone à Port-Vendres, et Toulon à la Corse, dans des points où la profondeur de la Méditerranée n’est pas moindre de 3 000 mètres. Toutes ces études ne devaient pas être perdues.

On avait toujours considéré comme regrettable, la nécessité d’embarquer le câble sur deux navires séparés. Mais où trouver un navire assez vaste pour recevoir dans ses flancs la masse effrayante du câble transatlantique ? Il n’en existait qu’un, c’était le Great-Eastern, le chef-d’œuvre de Brunel.