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Les débuts de ce colosse avaient été malheureux, mais quelques années d’épreuve et de navigation l’avaient singulièrement perfectionné. Brunel disait pendant sa construction : « Voilà le seul navire qui pourra poser le câble atlantique. » La compagnie se décida donc à confier l’œuvre de la pose du câble à ce monument des constructions maritimes, qui gisait inutile dans la Tamise, et qui, après avoir coûté 16 millions, attendait encore un emploi pour lequel sa masse colossale fût une nécessité.

Fig. 148. — Isambard Kingdom Brunel, constructeur du Great-Eastern.

Ce navire remarquable, qui a décidé du succès de la pose du câble atlantique, mérite une mention particulière.

C’est le 1er mai 1853, dans les chantiers de MM. Scott-Russel à Milwal, près de Londres, que fut commencée la construction de ce bâtiment colossal ; c’est dans les premiers jours de l’année 1858, que l’on réussit, non sans peine, à le lancer.

La Compagnie orientale de navigation (Eastern steam navigation Company), chargée de conduire en Australie des émigrants et des marchandises, avait à établir, sur une vaste échelle, un système de communications rapides entre l’Angleterre et les régions de l’Océanie. Il s’agissait de transporter en moins de cinq semaines, et sans aucun relâche, 3 000 personnes à la fois, ou l’équivalent de ce nombre en marchandises, depuis la Grande-Bretagne jusqu’à l’Australie. Aucun des navires alors existants n’était de taille à accomplir cette traversée, avec de semblables conditions. Il fallait donc créer, en vue de cette entreprise, un vaisseau géant qui, par ses dimensions, dépassât de moitié tous ses aînés, et qui fût en outre construit sur un système nouveau, rendu indispensable par sa grandeur inusitée.

Brunel, ingénieur d’origine française qui s’était rendu célèbre par la création du tunnel de la Tamise et par bien d’autres travaux, conçut et exécuta le plan de ce colosse des mers, qui reçut d’abord le nom de Leviathan et ensuite celui de Great-Eastern (Grand-Oriental).

Le plus grand navire à vapeur qui eût paru était le Persia, qui avait une longueur de 112 mètres sur 13m,70 de large. Le Great-Eastern est presque deux fois aussi long : il a 209 mètres de longueur sur 25 de large. Il a été construit suivant un système qui diffère du mode employé jusqu’ici pour les autres navires de fer. Il a une double muraille, formée de plaques de tôle ; la distance entre les deux parois de cette muraille est de 75 centimètres. Cet intervalle est partagé en espèces de cloisons, qui constituent un certain nombre de cellules étanches et sans communication entre elles, ce qui a pour effet de localiser les voies d’eau qui pourraient se produire. Cette double coque jouit d’une solidité comparable à celle du fer massif, tout en présentant une légèreté spécifique égale à celle des coques de bois. En remplissant d’eau ces compartiments, on peut remplacer le lest. Cette disposition fait du Great-