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point. Elle lui donna accès dans les ministères, et lui permit de recommander chaleureusement dans les sphères administratives, l’invention de son frère, qui était aussi un peu la sienne.

Fort de cet appui naturel, confiant dans la haute utilité de sa découverte pour la nation, et pour le progrès social, Claude Chappe crut le moment arrivé de demander au gouvernement l’examen approfondi de son système. Il en offrait l’hommage à la république dans des circonstances où elle devait lui rendre les plus grands services, c’est-à-dire au moment où les armées ennemies la menaçaient de toutes parts.



CHAPITRE VI

le télégraphe de chappe est présenté à l’assemblée législative. — le peuple met en pièces la machine dans le parc de saint-fargeau. — le député romme attire l’attention sur l’invention de chappe. — expériences du nouveau télégraphe de chappe faites par lakanal et arbogast, membres de la convention. — adoption des télégraphes par le gouvernement républicain.

Claude Chappe avait demandé d’être admis à la barre de l’Assemblée législative, pour lui présenter son invention nouvelle. Cette demande avait été accueillie, et le 22 mars 1792, pendant une des séances du soir qui étaient plus spécialement consacrées aux affaires, il fut admis devant l’assemblée. Dorizi occupait le fauteuil de la présidence.

Claude Chappe donna lecture de la pétition suivante :


Monsieur le président,

« Je viens offrir à l’Assemblée nationale l’hommage d’une découverte que je crois utile à la chose publique.

Cette découverte présente un moyen facile de communiquer rapidement, à de grandes distances, tout ce qui peut être l’objet d’une correspondance.

Le récit d’un fait ou d’un événement quelconque peut être transmis, la nuit ainsi que le jour, à plus de 40 milles, dans moins de 46 minutes. Cette transmission s’opérerait d’une manière presque aussi rapide, à une distance beaucoup plus grande (le temps employé pour la communication n’augmentant point en raison proportionnelle des espaces).

Je puis en 20 minutes transmettre, à la distance de 8 ou 10 milles, la série de phrases que voici, ou toute autre équivalente :

Luckner s’est porté vers Mons, pour faire le siége de cette place. Bender s’est avancé pour la défendre. Les deux généraux sont en présence. On livrera demain bataille.

Ces mêmes phrases seraient communiquées, en 24 minutes, à une distance double de la première ; en 33 minutes elles parviendraient à 50 milles. La transmission à une distance de 100 milles ne nécessiterait que 12 minutes de plus.

Parmi la multitude d’applications utiles dont cette découverte est susceptible, il en est une qui, dans les circonstances présentes, est de la plus haute importance.

Elle offre un moyen certain d’établir une correspondance telle que le Corps Législatif puisse faire parvenir ses ordres à nos frontières et en recevoir la réponse pendant la durée d’une même séance.

Ce n’est point sur une simple théorie que je fais ces assertions. Plusieurs expériences, tentées à la distance de 10 milles, dans le département de la Sarthe, et suivies de succès, sont pour moi de sûrs garants de la réussite.

Les procès-verbaux ci-joints, dressés par deux municipalités, en présence d’une foule de témoins, en attestent l’authenticité.

L’obstacle qui me sera le plus difficile à vaincre sera l’esprit de prévention avec lequel on accueille ordinairement les faiseurs de projets. Je n’aurais jamais pu m’élever au-dessus de la crainte de leur être assimilé, si je n’avais été soutenu par la persuasion où je suis, que tout citoyen français doit, en ce moment plus que jamais, à son pays le tribut de ce qu’il croit lui être utile.

Je demande, messieurs, que l’Assemblée nationale renvoie à l’un de ses comités l’examen des projets que j’ai l’honneur de vous annoncer, afin qu’il nomme des commissaires pour en constater les effets, par une expérience qui sera d’autant plus facile à faire, qu’en l’exécutant sur une distance de 8 ou 10 milles, on sera à portée de se convaincre qu’elle peut s’appliquer à tous les espaces.

Je la ferai, au surplus, à toutes les distances que l’on voudra m’indiquer ; et je ne demande, en cas de réussite, qu’à être indemnisé des frais qu’elle aura occasionnés. »

L’hommage de l’invention faite par Claude Chappe à l’Assemblée législative, fut accepté. On ordonna que l’examen de la machine serait confié au Comité de l’Instruction publi-