Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il avait supprimé les horloges concordantes placées à chaque station.

Les horloges concordantes étaient le côté défectueux de ce système : en les faisant disparaître, on supprimait un élément, ce qui déjà simplifiait l’appareil, et l’on était délivré d’un grand embarras pratique. Comment espérer, en effet, pouvoir conserver plusieurs chronomètres dans un état d’accord parfaitement rigoureux, sur toute l’étendue d’une longue ligne ?

Les frères Chappe avaient réduit leur système à un grand tableau de forme rectangulaire, qui présentait plusieurs faces de couleurs différentes, et qui, en pivotant sur son axe, pouvait présenter l’une de ces six couleurs. La combinaison des six couleurs, ou voyants, suffisait pour représenter et transmettre les signaux, d’après un vocabulaire sur lequel était inscrite la signification de ces signaux.

Ce n’était pas encore le télégraphe aérien actuel, mais c’est la disposition qui, plus tard, servit de modèle au télégraphe aérien en Angleterre et en Suède.

Cependant Claude Chappe ne fut pas entièrement satisfait de ses voyants. Le discernement des couleurs à distance était une grande difficulté. Il modifia donc une fois encore son appareil. Il remplaça les couleurs par la forme des corps.

Après avoir longtemps étudié les formes des corps les plus aisés à reconnaître à de grandes distances, il arriva à se convaincre que la forme allongée est la meilleure, parce qu’elle se dessine le mieux sur le ciel.

Il en vint donc à adopter trois règles de bois mobiles qui, en tournant de différentes manières, produisaient un nombre considérable de signaux, que l’on pouvait reconnaître et distinguer de très-loin, au moyen de longues-vues.

L’ingénieur Bréguet, à qui il s’adressa, pour mettre son idée à exécution, construisit une machine qui, à peu de chose près, est celle qui s’est conservée jusqu’à nos jours en France, sans grandes modifications.

C’était une longue barre de fer, qui portait à chacune de ses extrémités, deux autres barres plus petites, susceptibles de tourner autour de la barre principale, et de prendre ainsi toutes sortes de positions. Cette machine était disposée sur une tour, et l’opérateur, placé dans une chambre au-dessous de cette tour, faisait mouvoir les trois barres au moyen de cordes et de poulies. C’était un système excellent et qui répondait à tous les besoins de la télégraphie.

Après la question des appareils, venait la question du vocabulaire, et ce n’était pas la plus facile à résoudre.

Claude Chappe comptait heureusement parmi ses parents, un ancien consul, Léon Delaunay, qui avait longtemps représenté la France à Lisbonne, et qui avait acquis dans ces fonctions, une grande habitude des langues secrètes de la diplomatie. Léon Delaunay composa le vocabulaire qui devait s’appliquer au télégraphe aérien. Conformément aux usages adoptés pour la correspondance diplomatique, il dressa un vocabulaire secret de 9 999 mots, dans lequel chaque mot était représenté par un nombre.

Ce vocabulaire était imparfait, comme on le reconnut plus tard ; mais au début de la télégraphie, il suffisait à la correspondance.

Les deux frères de Chappe, Abraham et Ignace, secondèrent Claude dans ses travaux, et l’aidèrent dans toutes ses expériences.

Une circonstance heureuse vint doubler la valeur du concours de son frère aîné.

Le 1er octobre 1791, Ignace Chappe fut nommé membre de l’Assemblée législative, par les électeurs du département de la Sarthe ; et bientôt il entra comme adjoint, dans le comité de l’instruction publique de cette assemblée. Cette haute position de l’un des frères Chappe seconda puissamment leur entreprise. Le titre de représentant du peuple entraînait une autorité morale qu’Ignace ne négligea