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vires de s’apercevoir ou de se reconnaître, l’Albany, le Terrible et le Medway, reçurent l’ordre de s’échelonner sur la route de Terre-Neuve, en avant du Great-Eastern, pour assurer sa marche à travers la brume.

Le 26, à midi, on n’était qu’à 200 kilomètres de Terre-Neuve. La profondeur de l’eau n’était plus alors que de 240 mètres. Le succès de l’opération était, dès ce moment, assuré ; car, lors même que le câble se serait rompu dans ces parages, il aurait été facile de le repêcher.

Aussi recevait-on de Valentia des télégrammes de félicitation.

L’Albany trouva une frégate américaine placée à l’ancre, à l’entrée de la baie de la Trinité, et attendant le Great-Eastern, Il revint, accompagné d’un bateau à vapeur anglais, qu’il avait aussi rencontré.

Dans l’après-midi, on aperçut, à environ 20 kilomètres au sud, une énorme montagne de glace flottante, dont la rencontre fut évitée sans peine.

Le 27, à 6 heures du matin, on n’était plus qu’à 18 kilomètres de Terre-Neuve, qu’un brouillard épais cachait aux regards de l’équipage.

Vers 8 heures, ce brouillard se dissipa comme par enchantement : le Great-Eastern entrait dans le havre de Heart’s-Content (Contentement du cœur). Ce nom, d’heureux augure, désigne une petite anse de la baie de la Trinité qui avait été choisie pour recevoir l’atterrissement du câble océanien. Heart’s-Content était, en ce moment, paré et décoré comme pour une fête internationale. Le pavillon de l’Angleterre et celui des États-Unis flottaient au haut du clocher de l’église et du toit de la station télégraphique, pour saluer l’entrée de l’expédition triomphante.

Ici l’opération du Great-Eastern était terminée. La longueur du câble qu’il avait déroulé au fond de la mer, était de près de six cents lieues de quatre kilomètres. On le coupa, et le Medway se disposa à y souder le câble de côte, destiné à le terminer sur le rivage de Terre-Neuve.

Quand le Great-Eastern fut entré dans l’anse de Heart’s-Content, quand il eut jeté les ancres, un flot de visiteurs indigènes commença à envahir le géant des navires, qui avait si heureusement vidé ses flancs. Pendant ce temps, une foule innombrable stationnait sur le rivage, pour assister au débarquement du gros câble de côte, qui était encore à bord du Medway, et qui devait compléter le télégraphe transatlantique. Cette opération fut faite sans la moindre difficulté, et la communication électrique entre l’ancien et le nouveau monde fut complètement établie.

Tels sont les épisodes, heureusement simples et peu nombreux, qui ont accompagné cette opération admirable, l’une des plus grandioses assurément qu’ait encore enregistrées l’histoire des sciences et de la civilisation.

Le soir du vendredi 27 juillet, le rivage de Heart’s-Content présentait un spectacle admirable. La terre et la mer avaient un air de fête tout à fait insolite pour ces régions hyperboréennes. Retenu solidement par ses ancres gigantesques, le Great-Eastern se balançait tranquillement sur les eaux profondes de la baie de Heart’s-Content, au milieu de son fidèle cortège de navires, comme un patriarche entouré de sa famille. Une armée de canots et de petits bâtiments de transport, l’entouraient, et portaient à son bord les habitants de la côte, curieux de l’examiner. Des groupes de visiteurs stationnaient sans cesse devant les machines et les appareils qui avaient servi à la pose du câble. Mais le rendez-vous principal était dans le grand salon des passagers, dont le luxe et le comfort excitaient l’admiration de cette population, peu habituée aux splendeurs de notre civilisation raffinée. Les dames de Heart’s-Content, profitaient de cette occasion extraordinaire pour étaler leurs toilettes dans