Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’opération du relèvement se poursuivit avec une précision admirable. Vers minuit, l’avant-proue du Great-Eastern était remplie de monde. On n’y voyait pas seulement le personnel ordinaire de la veillée, mais tous ceux que leur devoir ne retenait pas dans une autre partie du navire. Tous voulaient être témoins du résultat de ce dernier essai. Les canots de l’Albany et du Medway, se trouvaient tout près, c’est-à-dire sous les flancs, de l’immense navire, pour recueillir les matelots qui, suspendus aux cordes qu’on avait descendues le long du Great-Eastern, pourraient tomber à la mer en accomplissant leur périlleuse besogne. Les hommes qui occupaient ces canots devaient aussi surveiller l’immersion des cordages d’acier auxquels était attaché le grappin.

Fig. 161. — Sir W. Thomson, ingénieur électricien du câble atlantique.

À une heure du matin, le grappin parut à la surface de l’eau, avec le câble de 1865. Il régnait en ce moment, à bord du Great-Eastern, un silence absolu. Seule, la voix du capitaine Anderson retentissait de temps à autre. Ce calme, cette tension des esprits, contrastaient avec les cris d’enthousiasme et les bruyantes démonstrations de joie qui avaient accueilli, le dimanche précédent, la première apparition du câble à la surface de l’eau.

Les ouvriers qui devaient s’emparer du câble, à mesure qu’il sortait de l’eau, furent alors descendus au moyen de cordes attachées autour de leur corps (fig. 162), et ils se mirent à fixer sur le câble d’énormes étoupes. On l’attacha ensuite à des cordes de chanvre de cinq pouces, dont l’une était destinée à protéger la gauche, l’autre la droite du pli que formait le câble. On constata alors qu’il était si bien saisi entre les pattes du grappin, qu’il fallut descendre l’un des ouvriers jusqu’à cet instrument à griffes, pour dégager le câble de son étreinte, à coups de marteau. Au bout d’un quart d’heure de travail, il était enfin libre et en état d’être hissé.

À un signal donné, les ouvriers hissèrent le bienheureux revenant jusqu’à bord du Great-Eastern. On l’enroulait sur les immenses poulies qui l’attendaient ; de là, il arrivait aux appareils installés sur le pont.

À ce moment encore, l’équipage, habitué à tant de déceptions, restait silencieux et attentif, n’osant se livrer à une joie expansive ; mais tout le monde voulait toucher le câble et s’assurer de ses propres mains, à la manière de saint Thomas, du succès définitif de cette difficile entreprise.

Les chefs de l’expédition s’étaient assemblés dans le cabinet télégraphique, MM. Daniel Gooch, Cyrus Field, le capitaine Hamilton, Canning, Clifford, Deane, Thomson, et d’autres personnages considérables, attendaient avec une anxiété facile à comprendre, l’arrivée de l’extrémité du câble, pour s’assurer de son état de conservation comme conducteur électrique. Enfin on vit paraître à la porte du cabinet, et tenant le bout de câble à la main, M. Willoughby Smith, l’électricien en chef. La jonction fut opérée avec l’appareil des