Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/287

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Valentia, avec une batterie composée d’une capsule, d’une parcelle de zinc, et d’une goutte d’eau, à peine une larme ! » Un télégraphe qui fonctionne ainsi peut être, je le crois, considéré comme parfait. »

Insistons sur ce fait, vraiment extraordinaire, de la faible intensité qu’il suffit de donner au courant électrique, pour lui faire traverser toute l’étendue de l’Océan. M. Cyrus Field vient de nous dire que l’on a télégraphié par le câble atlantique, avec une batterie formée dans le dé d’une dame. En effet, on avait placé dans un dé en zinc, un peu d’eau acidulée par l’acide sulfurique, et le bout d’un fil de cuivre touchant l’extérieur du dé, composait toute la pile qui envoya le courant de l’Irlande à Terre-Neuve. Comme on vient de le dire, on parvint au même résultat en plaçant dans une capsule de cuivre qui forme l’amorce des fusils de chasse, un petit fragment de zinc et une goutte d’eau. Le courant de cet appareil microscopique a suffi pour former des signaux télégraphiques, de Valentia à Terre-Neuve.

N’est-ce pas, chers lecteurs, que le titre que porte cet ouvrage, Merveilles de la science, est bien justifié !

Nous n’avons pas besoin de dire que les persévérants actionnaires du télégraphe transatlantique ont été largement récompensés de leurs sacrifices. Le haut prix des dépêches expédiées par le câble atlantique, ainsi que le nombre de ces dépêches, ont fait promptement prospérer cette entreprise. Dans les premiers temps, chaque mot expédié par le fil qui relie les deux mondes, coûtait 1 livre sterling (25 fr.). À ce taux, on comprend que la Compagnie réalisât de grands bénéfices. Seulement, il résultait de ce haut prix, qu’il n’était pas permis à tout le monde de se servir du télégraphe transatlantique, comme autrefois, il n’était pas permis à tous d’aller à Corinthe. On aurait beaucoup désiré, en Angleterre et en France, recevoir par le câble télégraphique, le message complet du président des États-Unis, au mois d’octobre 1866. Mais on dut se contenter d’un court extrait de ce document, attendu que le message du président Johnson contenant plus de 4 000 mots, aurait coûté par le télégraphe atlantique, plus d’un million. Depuis cette époque, le prix des dépêches a été réduit de moitié.

Et maintenant, on peut le dire, les fictions et les fantaisies de la poésie sont dépassées par les résultats de la science humaine. Shakespeare est au-dessous de la réalité, lorsqu’il fait dire à Puck, le plus léger des sylphes :

I will put a girdle round about the earth in forty minutes. (Je mettrai une ceinture autour de la terre en quarante minutes.) » Pauvre Puck ! Sylphe suranné ! Tu peux entrer aux Invalides ! L’électricité est plus ingambe que toi. Tu demandes quarante minutes pour faire le tour de la terre ; eh bien, si notre globe était complètement entouré d’un fil métallique, un courant électrique en ferait le tour en moins d’une seconde ! Ainsi le positif de la science moderne dépasse encore le merveilleux de la poésie, et malgré tout son génie, le vieux Shakespeare est dépassé !

Cette vitesse incroyable donne lieu aux plus singuliers résultats. Une dépêche envoyée de Londres à New-York, c’est-à dire de l’est à l’ouest, arrive plusieurs heures avant son départ.

New-York étant situé près du 76° degré de longitude à l’ouest de Paris, a ses horloges plus de cinq heures en retard sur celles de Paris, de sorte que lorsqu’il est chez nous 10 heures du matin, heure où commencent les affaires, les montres des habitants de la grande cité américaine, ne marquent que 5 heures du matin, c’est-à-dire une heure où l’on dort encore d’un profond sommeil. Quand on se lève à New-York, il est midi à Paris ; quand on dîne dans cette dernière ville (vers 5 heures du soir), on déjeune dans la première ; et quand on dîne à New-York on se couche à Paris. Il résulte de là que les dépêches envoyées d’Angleterre ou de Paris à New-York, arrivent