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devait appeler l’attention des dépositaires de l’autorité publique. Frappé de la lucidité du travail de Chappe, il le signala avec éloges au Comité. Stimulé par la discussion, il finit par s’enthousiasmer de l’idée de la télégraphie. Il plaida avec feu devant ses collègues, la cause de l’inventeur. Il rédigea et lut au Comité de l’Instruction publique, un rapport explicatif sur l’invention de Chappe.

Le Comité, ayant approuvé ce rapport, autorisa le citoyen Romme à le présenter à la Convention.

Le 1er avril 1793, Romme monta à la tribune de la Convention, et donna lecture du rapport que nous allons transcrire :

« Dans tous les temps, on a senti la nécessité d’un moyen rapide et sûr de correspondre à de grandes distances. C’est surtout dans les temps de guerre de terre et de mer qu’il importe de faire connaître rapidement les événements nombreux qui se succèdent, de transmettre des ordres, d’annoncer des secours à une ville, à un corps de troupes qui serait investi. L’histoire renferme le souvenir de plusieurs procédés conçus dans ces vues, mais la plupart ont été abandonnés comme incomplets et d’une exécution trop difficile. Plusieurs mémoires ont été présentés sur ce sujet à l’Assemblée législative, et renvoyés au Comité d’Instruction publique, un seul a paru mériter l’attention.

Le citoyen Chappe offre un moyen ingénieux d’écrire en l’air en y déployant des caractères très-peu nombreux, simples comme la ligne droite, dont ils se composent, très-distincts entre eux, d’une exécution rapide et sensibles à de grandes distances. À cette première portée de son procédé, il joint une sténographie usitée dans les correspondances diplomatiques. Nous lui avons fait des objections, il les avait prévues, et y répond victorieusement ; il lève toutes les difficultés que pourrait présenter le terrain sur lequel se dirigerait sa ligne de correspondance ; un seul cas résiste à ces moyens, c’est celui d’une brume fort épaisse comme il en survient dans le Nord, dans les pays aqueux, et en hiver ; mais dans ce cas fort rare, qui résisterait également à tous les procédés connus, on aurait recours momentanément aux moyens ordinaires. Les agents intermédiaires employés dans les procédés du citoyen Chappe, ne pourraient en aucune manière trahir le secret de sa correspondance, car la valeur sténographique des signaux leur serait inconnue. Deux procès-verbaux de deux municipalités de la Sarthe attestent le succès de ce procédé dans un essai que l’auteur en a fait, et permettent à l’auteur d’avancer avec quelque assurance qu’avec son procédé, la dépêche qui apporta la nouvelle de la prise de Bruxelles, aurait pu être transmise à la Convention et traduite en 25 minutes. Vos comités pensent cependant qu’avant de l’adopter définitivement, il convient d’en faire un essai plus authentique, sous les yeux de ceux qui, par la nature de leurs fonctions, seraient le plus dans le cas d’en faire usage, et sur une ligne assez étendue, pour prendre quelque confiance dans les résultats. »

Fig. 11. — Romme.

Romme terminait son rapport en demandant que la Convention autorisât l’essai du système télégraphique de Chappe, sur une ligne d’une étendue assez grande pour permettre de le juger avec certitude.

La Convention, entrant dans cette idée, prescrit au Comité d’Instruction publique de nommer une commission qui ferait fonctionner sous ses yeux le nouvel appareil. Une somme de 6 000 francs, prise sur les fonds de la guerre, devait subvenir aux frais de cette expérience.

C’est avec cette faible somme que fut tirée de ses langes, produite au grand jour et définitivement jugée, une des plus belles, une des plus épineuses inventions des temps