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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/316

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prix considérable par le moulage en sable et par la fusion du métal. Le prix de ces œuvres d’art a été comparativement excessivement bas, exécuté par la galvanoplastie. De là, on peut conclure qu’à l’avenir, les commandes d’importantes œuvres sculpturales pourront arriver à nos artistes en bien plus grand nombre qu’autrefois, puisqu’on ne sera plus arrêté par le haut prix du bronze et des opérations de moulage, de fusion, de retouche, etc.

Il importe de remarquer, en effet, que le cuivre obtenu par la galvanoplastie a toutes les qualités du cuivre le plus pur. Les craintes que l’on avait conçues à cet égard, n’avaient aucun fondement, et elles ont, d’ailleurs, reçu de l’expérience, entre les mains de MM. Christofle et Bouilhet, un démenti sans réplique.

Dans des expériences exécutées, en 1866, devant la Société d’encouragement, MM. Bouilhet et Paul Christofle ont soumis, à l’action d’une presse hydraulique, des échantillons de même volume de cuivre galvanoplastique et de cuivre de fusion pris dans le commerce. L’appareil se composait d’un cylindre dont les deux extrémités se fermaient au moyen de deux plaques formées du cuivre à essayer. Ce cylindre était en communication avec un corps de pompe dans lequel on pouvait comprimer de l’eau : un manomètre indiquait la pression. Or M. Bouilhet reconnut qu’en opérant sur des plaques de cuivre galvanoplastique d’un demi-millimètre d’épaisseur, on peut comprimer l’eau jusqu’à 20 atmosphères, sans voir apparaître de liquide au dehors ; mais que si l’on prend une plaque de cuivre fondu de même épaisseur, on ne peut comprimer l’eau à 12 atmosphères sans voir le liquide suinter à travers les parois. Ainsi le cuivre de fusion cédait à la pression de 12 atmosphères ; tandis que le cuivre galvanoplastique a supporté, sans se briser, la pression de 20 atmosphères. L’expérience n’a pas été poussée plus loin crainte d’accidents : le cuivre galvanoplastique ayant résisté à toutes les pressions que les appareils pouvaient produire[1].

Il est un autre point de vue, qu’il faut mettre en évidence, pour faire ressortir l’utilité de la galvanoplastie pour les artistes sculpteurs. Les moulages en plâtre des œuvres des grands maîtres, sont fragiles et insuffisants pour l’étude. La galvanoplastie fournira à peu de frais, non des imitations, mais des reproductions absolument identiques de ces mêmes modèles où revit le génie des arts.

Le plus bel exemple que l’on puisse citer en ce genre, c’est la reproduction, des bas-reliefs de la colonne Trajane de Rome, et de son soubassement, qui ont été exécutés par M. Léopold Oudry. Sur l’ordre de l’Empereur, M. Oudry a composé toute la série de reproductions galvanoplastiques des sculptures qui ornent la célèbre colonne de Rome, et maintenant les six cents précieux bas-reliefs dans lesquels Rome nous a transmis le tableau précis du costume et de l’armement de ses soldats, ainsi que le matériel de ses moyens de guerre, se voient au Louvre où les artistes vont les étudier, les copier, en ayant sous les yeux, le modèle de ce qu’ils auraient eu de la peine à voir à Rome même, sur l’original.

La colonne Trajane, l’un des plus beaux spécimens de l’art artistique, et assurément le plus précieux pour l’histoire, est en marbre blanc. Sa hauteur est de près de 50 mètres, quelques mètres de plus que notre colonne monumentale en bronze, de la place Vendôme, à Paris ; son diamètre moyen est d’environ 4 mètres.

À une époque fort antérieure à la nôtre, le gouvernement français avait fait exécuter le surmoulage en plâtre de tous les bas-reliefs de cette colonne. On les plaça à l’École des Beaux-arts ; mais, le plâtre n’offrant ni soli-

  1. Conférence sur les origines et les progrès de la galvanoplastie, faite dans la salle de la Société d’encouragement, par M. H. Bouilhet, le 7 mars 1866.