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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/342

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Un chimiste allemand, M. Elsner, fit faire un grand pas à la question, en démontrant, ce que M. de la Rive avait du reste déjà signalé, que le défaut d’adhérence entre l’or et le métal à dorer, tenait à l’acidité de la liqueur, l’acide attaquant le métal avant que l’or l’eût recouvert. De là le précepte, pour obtenir une bonne dorure, d’opérer dans des liqueurs neutres ou alcalines.

L’avantage d’opérer dans des bains neutres fut démontré par les expériences d’un autre chimiste allemand, M. Böttger, qui parvint à dorer parfaitement le fer et l’acier, en faisant usage de chlorure d’or et de potassium, sel double qui n’a point de réaction acide, quand il est bien préparé et purifié par plusieurs cristallisations.

Quant à l’utilité d’opérer dans des liqueurs alcalines, elle fut démontrée par le succès complet qui couronna, en Angleterre, les travaux de MM. Elkington.

MM. Henri et Richard Elkington étaient les chefs d’une usine très-importante de Birmingham. En 1836, ils avaient fait la découverte d’un procédé de dorure du cuivre, non par la pile, mais par la simple immersion du cuivre dans une liqueur alcaline contenant du chlorure d’or.

Depuis longtemps les horlogers savaient dorer les pièces de cuivre des rouages de montres ou de pendules, en les plongeant dans une dissolution de chlorure d’or bien neutre, et Baumé avait recommandé, pour bien réussir, d’employer une dissolution d’or la plus neutre possible[1]. On s’était même parfaitement trouvé, pour obtenir une bonne dorure, de dissoudre le chlorure d’or dans l’éther sulfurique.

Macquer proposa ensuite de dissoudre l’or dans un carbonate alcalin. C’était la véritable solution du problème, car les chimistes Proust, Pelletier et Duportal réussirent parfaitement à dorer le cuivre avec une dissolution de chlorure d’or dans le carbonate de potasse. Cependant aucun de ces chimistes n’avait songé à transporter dans l’industrie le procédé de dorure par le chlorure d’or additionné de carbonate de potasse.

MM. Elkington, après avoir vérifié par l’expérience les avantages de la dorure par immersion, et trouvé les meilleures méthodes pratiques pour exploiter industriellement ce genre de dorure, commencèrent à la mettre en usage dans leurs ateliers de Birmingham. En 1836, MM. Elkington firent breveter en France le procédé pour la dorure au trempé ; et Berzelius, en 1839, signalait cette méthode à l’attention des chimistes, dans son Annuaire des progrès de la chimie.

Voici en quoi consiste le procédé de la dorure au trempé ou par immersion, sur lequel nous aurons à revenir dans le chapitre suivant.

On dissout 155 grammes d’or dans l’eau régale ; on étend cette dissolution dans 18 litres d’eau, et l’on ajoute 9 kilogrammes de bicarbonate de potasse ; puis on fait bouillir la liqueur pendant deux heures. Pour dorer le cuivre ou le laiton, il suffit de les plonger, pendant un quart de minute, dans cette dissolution bouillante. Le chlore du chlorure d’or

  1. C’est ce que nous apprend le passage suivant de la grande Encyclopédie de d’Alembert :

    « Lorsque les horlogers veulent dorer quelques petites pièces de cuivre ou d’acier, leur méthode ordinaire est de plonger la pièce dans une dissolution d’or par l’eau régale. Suivant les lois de la plus grande affinité, le fer ou le cuivre sont dissous, et l’or abandonné de son acide se dépose, s’étend sur les pièces et les dore.

    « Dans ce procédé, comme la dissolution d’or est toujours avec excès d’acide, cet acide qui n’est point saturé agit sur les pièces, en détruit les vives arêtes, et leur ôte la précision que l’ouvrier leur avait donnée.

    « M. Baumé a imaginé de préparer une dissolution d’or avec le moins d’excès d’acide possible. Pour cet effet, il fait évaporer la dissolution d’or par l’eau régale jusqu’à cristallisation. Il pose ces cristaux sur du papier qui en absorbe toute l’humidité, il les dissout ensuite dans de l’eau distillée.

    « La dissolution ainsi préparée attaque très-légèrement les pièces délicates d’horlogerie, et seulement pour appliquer l’or à leur surface ; on les lave ensuite avec de l’eau. On obtient de cette manière une dorure plus belle, plus brillante, plus solide, et qui ne laisse pas de petits non dorés, comme il arrive par le procédé ordinaire. »