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leur moyen de la sauver était, comme le conseillait Argand, de la laisser partir. On ne voulut pas s’y résoudre. Il arriva dès lors ce que l’on avait prévu. L’orage ayant redoublé, le tissu du ballon fut détrempé par la pluie qui l’inondait, et les coups multipliés du vent le déchirèrent en plusieurs endroits. Comme la pluie se soutint fort longtemps, il devint tout à fait impossible de manœuvrer la machine, qui demeura pendant vingt-quatre heures exposée au mauvais temps ; les papiers se décollèrent et tombèrent en lambeaux, le canevas fut mis à découvert, et finalement elle fut mise tout à fait hors de service.

Il fallait cependant une expérience pour le 19 septembre, à Versailles. Aidé de quelques amis, Montgolfier se remit à l’œuvre. On travailla avec tant d’empressement et d’ardeur, que cinq jours suffirent pour construire un autre aérostat : il avait fallu un mois pour achever le premier. Ce nouveau ballon, de forme entièrement sphérique, était construit avec beaucoup plus de solidité ; il était d’une bonne et forte toile de coton ; on l’avait même peint en détrempe. Il était bleu avec des ornements d’or, et présentait l’image d’une tente richement décorée. Le 19, au matin, il fut transporté à Versailles, où tout était disposé pour le recevoir.

Dans la grande cour du château, on avait élevé une vaste estrade percée en son milieu d’une ouverture circulaire de cinq mètres de diamètre destinée à loger le ballon ; on circulait autour de cette estrade pour le service de la machine. La partie supérieure, ou le dôme du ballon, était déprimée et reposait sur la grande ouverture de l’échafaud, à laquelle elle servait de voûte ; le reste des toiles était abattu et se repliait circulairement autour de l’estrade, de telle sorte qu’en cet état la machine ne présentait aucune apparence, et ne ressemblait qu’à un amas de toiles entassées et disposées sans ordre. Le réchaud de fil de fer qui devait servir à placer les combustibles reposait sur le sol. On enferma dans une cage d’osier, suspendue à la partie inférieure de l’aérostat, un mouton, un coq et un canard, qui étaient ainsi destinés à devenir les premiers navigateurs aériens.

À 10 heures du matin, la route de Paris à Versailles était couverte de voitures ; on arrivait en foule de tous les côtés. À midi, la cour du château, la Place d’armes et les avenues environnantes étaient inondées de spectateurs. Le roi descendit sur l’estrade avec sa famille ; il fit le tour du ballon, et se fit rendre compte par Montgolfier des dispositions et des préparatifs de l’expérience. À 1 heure, une décharge de mousqueterie annonça que la machine allait se remplir. On brûla quatre-vingts livres de paille et cinq livres de laine. La machine déploya ses replis, se gonfla rapidement, et développa sa forme imposante. Une seconde décharge annonça qu’on était prêt à partir. À la troisième, les cordes furent coupées, et l’aérostat s’éleva pompeusement au milieu des acclamations de la foule.

Il atteignit rapidement à une grande hauteur, en décrivant une ligne inclinée à l’horizon, que le vent du sud le força de prendre, et demeura ensuite immobile. Cependant il ne resta que peu de temps en l’air. Une déchirure de sept pieds, amenée par un coup de vent subit, au moment du départ, l’empêcha de se soutenir longtemps.

Il tomba, dix minutes après son ascension, à une lieue de Versailles, dans le bois de Vaucresson. Deux gardes-chasse, qui se trouvaient dans le bois, virent la machine descendre avec lenteur et ployer les hautes branches des arbres sur lesquels elle se reposa. La corde qui retenait la cage d’osier l’embarrassa dans les rameaux, la cage tomba, les animaux en sortirent sans accident.

Le premier qui accourut pour dégager le ballon et pour reconnaître comment les animaux avaient supporté le voyage fut Pilâtre de Rozier. Il suivait avec une passion ar-