Aller au contenu

Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/439

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dente les débuts de cet art, qui devait faire un jour son martyre et sa gloire.


CHAPITRE III

premier voyage aérien exécuté par pilâtre de rozier et le marquis d’arlandes.

On croyait désormais pouvoir, avec quelque confiance, transformer les ballons en appareils de navigation aérienne. Étienne Montgolfier se mit donc à construire, dans les jardins du faubourg Saint-Antoine, un ballon disposé de manière à recevoir des voyageurs. Les dimensions de cette nouvelle machine étaient considérables ; elle n’avait pas moins de 20 mètres de hauteur sur 16 de diamètre, et pouvait contenir 20 000 mètres cubes d’air. On disposa autour de la partie extérieure de l’orifice du ballon, une galerie circulaire d’osier, recouverte de toile, destinée à recevoir les aéronautes. Cette galerie avait un mètre de large ; une balustrade la protégeait et permettait d’y circuler commodément : on pouvait ainsi faire le tour de l’orifice extérieur de l’aérostat. L’ouverture de la machine était donc parfaitement libre ; et c’est au milieu de cette ouverture que se trouvait, suspendu par des chaînes, le réchaud de fil de fer, avec les matières inflammables, dont la combustion devait entraîner l’appareil. On avait emmagasiné dans une partie de la galerie, une provision de paille, pour donner aux aéronautes la faculté de s’élever à volonté en activant le feu.

Le ballon construit, on commença, le 15 octobre, à essayer de s’en servir comme d’un navire aérien. On le retenait captif au moyen de longues cordes qui ne lui permettaient de monter que jusqu’à une certaine hauteur. Pilâtre de Rozier en fit l’essai le premier ; il s’éleva à diverses reprises de toute la longueur des cordes. Les jours suivants, quelques autres personnes, enhardies par son exemple, l’accompagnèrent dans ces essais préliminaires, qui donnaient beaucoup d’espoir pour le succès de l’expérience définitive. Tout le monde remarquait l’adresse de Pilâtre et l’intrépide ardeur avec laquelle il se livrait à ces difficiles manœuvres. Dans l’une de ces expériences, le ballon, chassé par le vent, vint tomber sur la cime des arbres ; les assistants jetèrent un cri d’effroi, car la machine s’engageait dans les branches et menaçait de verser les voyageurs ; mais Pilâtre, sans s’émouvoir, prit avec sa longue fourche de fer une énorme botte de paille qu’il jeta dans le feu : le ballon se dégagea aussitôt, et remonta aux applaudissements des spectateurs.

On se pressait en foule à la porte du jardin de Réveillon pour contempler de loin ces intéressantes manœuvres. Pendant les journées du 15, du 17 et du 19 octobre, l’affluence était si considérable dans le faubourg Saint-Antoine, sur les boulevards et jusqu’à la porte Saint-Martin, que, sur tous ces points, la circulation était devenue impossible. Comme on craignait avec raison que l’encombrement excessif des curieux dans les rues de la ville n’amenât des embarras ou des dangers, on se décida à faire l’ascension hors de Paris. Le dauphin offrit à Montgolfier les jardins de son château de la Muette, au bois de Boulogne.

Cependant, à mesure qu’approchait le moment décisif, Montgolfier hésitait. Il concevait des craintes sur le sort réservé au courageux aéronaute qui ambitionnait l’honneur de tenter les hasards de la navigation aérienne. Il demandait, il exigeait des essais nouveaux. Il faut reconnaître, en effet, que le projet de Pilâtre avait de quoi effrayer les cœurs les plus intrépides. Quatre mois s’étaient à peine écoulés depuis la découverte des aérostats, et le temps n’avait pu permettre encore d’étudier toutes les conditions, d’apprécier tous les écueils d’une ascension à ballon perdu. On ne s’était pas encore avisé de munir les aérostats de cette soupape salutaire qui, en ouvrant issue au gaz intérieur, donne les moyens d’ef-