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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/440

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fectuer la descente sans difficulté ni embarras ; d’ailleurs, avec les ballons à feu, ce moyen perd, comme on le sait, toute sa valeur. On n’avait pas encore imaginé ce lest, le palladium des aéronautes, qui permet de s’élever à volonté, et donne ainsi les moyens de choisir le lieu du débarquement. En outre, la présence d’un foyer incandescent au milieu d’une masse aussi inflammable que l’enveloppe d’un ballon, ouvrait évidemment le champ à tous les dangers. Ce tissu de toile et de papier pouvait s’embraser au milieu des airs, et précipiter les imprudents aéronautes, ou bien, le feu venant à manquer, l’appareil était entraîné vers la terre par une chute terrible. Le combustible entassé dans la galerie offrait encore à l’incendie un aliment redoutable : la flamme du réchaud pouvait se communiquer à la réserve de paille, et propager ainsi la combustion jusqu’à l’enveloppe même du ballon. Enfin, des flammèches tombées du foyer pouvaient au milieu des campagnes, descendre sur les granges ou les édifices et semer l’incendie sur la route de l’aérostat.

Aussi Montgolfier temporisait-il et demandait-il des essais nouveaux. À l’exemple de toutes les commissions académiques, la commission de l’Académie des sciences ne se prononçait pas. Le roi eut connaissance de ces difficultés. Après mûr examen, il s’opposa à l’expérience, et donna au lieutenant de police l’ordre d’empêcher le départ. Il permettait seulement que l’expérience fût tentée avec deux condamnés, que l’on embarquerait dans la machine.

Fig. 260. — Première montgolfière destinée à porter des voyageurs, exécutée pour Pilâtre de Rozier.

Pilâtre de Rozier s’indigne à cette proposition. « Eh quoi ! de vils criminels auraient les premiers la gloire de s’élever dans les airs ! Non, non, cela ne sera point ! » Il conjure, il supplie ; il s’agite de cent manières, il remue la ville et la cour. Il s’adresse aux personnes le plus en faveur à Versailles. Il s’empare de la duchesse de Polignac, gouvernante des enfants de France et toute-puissante sur l’esprit de Louis XVI. Celle-ci plaide chaleureusement sa cause auprès du roi. Le marquis d’Arlandes, gentilhomme du Languedoc, major dans un régiment d’infanterie, avait fait, avec lui, une ascension en ballon captif ; Pilâtre le dépêche au roi. Le marquis d’Arlandes proteste que l’ascension ne présente aucun danger, et comme preuve de son affirmation, il offre d’accompagner Pilâtre dans son voyage aérien. Sollicité de tous les côtés, vaincu par tant d’instances, Louis XVI se rendit enfin.

Le 21 novembre 1783, à une heure de l’après-midi, en présence du dauphin et de sa suite, pressés dans les beaux jardins de la Muette, Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes exécutèrent ensemble le premier voyage aérien.

Malgré un vent violent et un ciel orageux, la machine s’éleva avec rapidité. Arrivés à la hauteur de 100 mètres, les voyageurs ôtèrent leurs chapeaux pour saluer la multitude qui s’agitait au-dessous