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aérostatiques. Cependant, pour ne pas étendre hors de toute proportion les bornes de cette notice, nous nous contenterons de rappeler les ascensions les plus remarquables de cette époque.

Lyon n’avait encore été témoin d’aucune expérience aérostatique ; c’est dans cette ville que s’exécuta le troisième voyage aérien.

Au mois d’octobre 1783, quelques personnes distinguées de Lyon voulurent répéter l’expérience exécutée à Versailles, par Étienne Montgolfier. M. de Flesselles, intendant de la province, ouvrit une souscription, qui fut promptement remplie, et sur ces entrefaites, Joseph Montgolfier étant arrivé à Lyon, on le pria de vouloir bien diriger lui-même la construction de la machine. On se proposait de fabriquer un aérostat d’un très-grand volume, qui enlèverait un cheval ou quelques autres animaux. Montgolfier fit construire un immense globe à feu ; il avait quarante-trois mètres de hauteur et trente-cinq de diamètre. C’était la plus vaste machine qui eût encore été construite pour s’élever dans les airs. Seulement on avait visé à l’économie, et l’on n’avait obtenu qu’un appareil de construction assez grossière, formé d’une double enveloppe de toile d’emballage recouvrant trois feuilles d’un fort papier.

Les travaux étaient fort avancés, lorsqu’on reçut la nouvelle de l’ascension de Charles aux Tuileries, événement qui produisit en France une sensation extraordinaire. Aussitôt, le comte de Laurencin, associé de l’Académie de Lyon, demanda que la destination du ballon fût changée, et qu’on le consacrât à entreprendre un voyage aérien. Trente personnes se firent inscrire à la suite de Montgolfier et du comte de Laurencin, pour prendre part au voyage : Pilâtre de Rozier arriva de Paris, avec le même projet ; il était accompagné du comte de Dampierre, du comte de Laporte et du prince Charles, fils aîné du prince de Ligne. On ne se proposait rien moins que de se rendre par la voie de l’air à Marseille, à Avignon ou à Paris, selon la direction du vent.

Pilâtre de Rozier reconnut pourtant, avec chagrin, que cette immense machine, conçue dans un autre but, était tout à fait impropre à porter des voyageurs. Il proposa et fit exécuter, avec l’assentiment de Montgolfier, différentes modifications, pour l’approprier à sa destination nouvelle. Elles ne se firent qu’avec beaucoup de difficultés et en surmontant mille obstacles. En outre, le mauvais temps, qui ne cessa de régner pendant trois mois, endommagea beaucoup la gigantesque machine. On ne put la transporter aux Brotteaux, sans des peines infinies. Les préparatifs et les essais préliminaires occasionnèrent de très-longs retards ; on fut obligé de retarder plusieurs fois l’ascension, et lorsque vint enfin le jour fixé pour le départ, la neige, qui tomba en grande quantité, nécessita un nouvel ajournement. Les habitants de Lyon, qui n’avaient encore assisté à aucune expérience aérostatique, doutaient fort du succès et n’épargnaient pas les épigrammes. Le comte de Laurencin, un des futurs matelots de ce vaste équipage, reçut le quatrain suivant :

Fiers assiégeants du tonnerre,
Calmez votre colère.
Eh ! ne voyez-vous pas que Jupiter tremblant
Vous demande la paix par son pavillon blanc ?

Le trait était vif. M. de Laurencin, qui n’était pas poëte, mais qui ne manquait pas pour cela de cœur ni d’esprit, répondit, en prose, qu’il se chargeait d’aller chercher lui-même les clauses de l’armistice.

Cependant les aéronautes, piqués au jeu, accélérèrent leurs préparatifs, et quelques jours après, tout fut disposé pour l’ascension. Elle se fit aux Brotteaux, le 5 janvier 1784. En dix-sept minutes, le ballon fut gonflé et prêt à partir. Six voyageurs montèrent dans la galerie : c’était Joseph Montgolfier, à qui l’on avait décerné le com-