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Que d’un art tout nouveau le secret se dévoile ;
Craignez que quelque Anglais, hardi navigateur,
De cette invention ne nous vole l’honneur.
Plus d’un nous a ravi, par sa longue constance,
Des secrets découverts et négligés en France.
Ce peuple, qui s’est dit le souverain des mers,
Va bientôt tout tester pour être roi des airs.
N’allez pas dans votre art lui céder la victoire.
Servez votre patrie, et sauvez votre gloire.

Après la poésie grave, venait la chanson, genre essentiellement français, et qui trouva d’amples occasions de s’exercer à propos de ces révolutions de l’empire de l’air, qui occupaient alors tous les esprits. Voici une chanson qui fut composée pour célébrer l’ascension de Charles et de Robert aux Tuileries. Elle raconte cet événement avec des accents tout à la fois enthousiastes et grotesques.

LE VOYAGE AÉROSTATIQUE.
Air : Le curé de Dôle.

Écoute, ma mie :
Dans les Tuileries,
On a vu Charles et Robert,
S’allant promener en l’air.
Ça faisait envie !

Les cœurs s’attendrissent,
Pendant qu’ils se hissent.
En saluant du drapeau,
Un d’eux lâche son chapeau,
Sur un cent de Suisses.

Chacun se remue,
On se presse, on se tue.
Chacun arrache un morceau
De ce bienheureux chapeau
Qui tombe des nues.

On rend de la place
L’salut avec grâce ;
Les Suisses, sabre à la main,
Espadonnent le chemin
Que le globe trace.

Les voilà qui partent,
Au loin, ils s’écartent.
À neuf lieues, près l’île Adam,
Dans un joli petit champ,
C’est là qu’ils débarquent.

Sur une montagne,
Pierre et sa compagne,
S’effrayant en les voyant,
Quittent leurs travaux, criant :
V’là l’diable en campagne.

Monsieur le duc de Chartre,
Courant comme quatre,
Le duc de Fitz-Jame aussi,
Sont arrivés, Dieu merci,
Pour les voir s’abattre.

Un curé de village
Accourt tout en nage.
Il apporte du papier,
Sa plume et son encrier,
Et son personnage.

On remplit la page
Des faits du voyage.
Robert était descendu,
Et le globe était tenu
Par gens du village.

Toute chose écrite,
Charles tout de suite
Donne des coups sur les doigts ;
Chacun lâche son endroit,
Zest ! il prend la fuite !

Le beau de l’histoire,
Y t’nait l’écritoire,
Le curé crie au voleur ;
Qu’on l’arrête il n’a pas peur,
Vous pouvez m’en croire.

Il fit dans sa fuite
Près de deux lieues de suite,
Mais le froid et la nuit
Sont cause qu’il descendît
Pour chercher un gîte.

Que pareille histoire
Est digne de gloire !
Et bien vite à la santé
De leur intrépidité,
Ma mie, allons boire !


CHAPITRE V

troisième voyage aérien exécuté à lyon : ascension de la montgolfière le flesselles. — quatrième voyage aérien effectué à milan, par le chevalier andreani. — aérostats et montgolfières lancés en diverses villes de l’europe. — première ascension de blanchard au champ-de-mars de paris. — voyage aérien de proust et pilâtre de rozier.

L’intrépidité et la science des premiers navigateurs aériens avaient ouvert dans les cieux une route nouvelle ; elle fut suivie avec une incomparable ardeur. En France et dans les autres parties de l’Europe, on vit bientôt s’accomplir un grand nombre de voyages