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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/460

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tout se faisait au ballon. Les chapeaux, les rubans, les robes, les carrosses, tout était à la Montgolfier, au ballon, à la Charles et Robert, etc.

Nous n’avons pas besoin d’ajouter que la poésie légère s’exerçait plus que jamais sur cet attrayant sujet. Voici l’une des chansons que toute la France répétait alors.

Air du Premier jour de janvier.

L’autre jour, quittant mon manoir,
Je fis rencontre sur le soir
D’un globiste de haut parage ;
Il s’en allait tout bonnement
Chercher un lit au firmament,
Et moi, je lui dis bon voyage !

Dans sa poche un bonnet de nuit,
Pour la lune un mot de crédit,
C’était, hélas ! tout son bagage ;
Mais avec l’électricité
Dont on l’avait très-bien lesté,
Il pouvait dissoudre un orage.

Le vent devint son postillon,
Un nuage son pavillon,
Chacun le comblait de louanges ;
D’après ce secret merveilleux
On s’en va dîner chez les Dieux,
Prendre son café chez les Anges.

Ah ! maman, que je suis content,
Disait un fils presque expirant,
À sa bonne mère attendrie,
Nous pourrons renvoyer la mort ;
Avec un globe, sans effort,
Dans le ciel j’irai tout en vie.

Sœur Colette, dans son couvent,
À l’aspect d’un globe mouvant
S’écriait : « Oh ! chose effroyable !
Il va pleuvoir dans nos jardins
Des étourdis qui, par essaims,
Répandront un air inflammable. »

De tous les voyages divers,
Celui qui se fait dans les airs
Est la plus plaisante aventure.
Conduit par les simples hasards,
De Saturne on passe dans Mars,
De Vénus enfin, dans Mercure.

Que les globes auraient de prix,
S’ils pouvaient de nos beaux esprits
Emporter la troupe légère !
Pour loger leurs jolis talents,
Il leur faut des palais roulants
Qui les éloignent du vulgaire.

Mais j’abjure ici les chansons ;
Et dans nos transports nous disons ;
Montgolfier, ta gloire est complète,
Non de maîtriser les hasards,
Mais d’avoir fixé les regards,
Et de Louis et d’Antoinette.

C’est à cette époque, c’est-à-dire en 1784, que Blanchard, dont le nom était destiné à devenir célèbre dans les fastes de l’aérostation, fit à Paris sa première ascension.

Avant la découverte des ballons, Blanchard, qui possédait le génie, ou tout au moins, le goût des arts mécaniques, s’était appliqué à trouver un mécanisme propre à naviguer dans les airs. Il avait construit un bateau volant, machine atmosphérique, armée de rames et d’agrès, sur laquelle nous aurons à revenir en parlant du parachute, et avec laquelle il se soutenait quelque temps dans l’air, jusqu’à quatre-vingts pieds de hauteur. En 1782, il avait exposé sa machine dans les jardins du grand hôtel de la rue Taranne, où se trouve aujourd’hui un établissement de bains. La découverte des aérostats, qui survint sur ces entrefaites, le détermina à abandonner les recherches de ce genre, et il se fit aéronaute.

Sa première ascension au Champ de Mars, présenta une circonstance digne d’être notée au point de vue scientifique ; c’est le 2 mars 1784 qu’elle fut exécutée, en présence de tout Paris, que le brillant succès des expériences précédentes avait rendu singulièrement avide de ce genre de spectacle.

Blanchard avait jugé utile d’adapter à son ballon les rames et le mécanisme de son bateau volant ; il espérait en tirer parti pour se diriger, ou pour résister à l’impulsion de l’air. Il monta dans la nacelle, ayant à ses côtés un moine bénédictin, le physicien dom Pech, enthousiaste des ballons. On coupa les cordes ; mais le ballon ne s’éleva pas au delà de cinq mètres : il s’était troué pendant les manœuvres, et le poids qu’il devait entraîner était trop lourd pour