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Bientôt une large subvention fut accordée par la loterie, à l’administration des télégraphes, qui consentit à faire parvenir, le jour même du tirage, les numéros gagnants sur tout le parcours de ses lignes. La loterie trouvait à cela l’avantage de déjouer toute fraude, d’empêcher tout jeu illicite ; et les télégraphes y trouvaient le moyen de subsister que leur refusait le premier consul.

C’est ainsi que Claude Chappe parvint, une fois encore, à prévenir la ruine de la télégraphie. Ce que n’avaient pu obtenir les meilleures raisons politiques et administratives, la passion du jeu, habilement exploitée, permit de le réaliser. La loterie versait habituellement une somme annuelle de 100 000 francs dans les caisses de la télégraphie, et pendant longtemps la ligne de Strasbourg, par exemple, n’eut d’autre ressource, pour ses frais de service et d’entretien, que la subvention de la loterie. Cette subvention a duré jusqu’à la suppression de la loterie par le gouvernement de Louis-Philippe.



CHAPITRE X

la télégraphie aérienne sous l’empire. — mort de claude chappe. — la télégraphie sous la restauration.

Napoléon Ier laissa la télégraphie fort à l’écart jusqu’à la fin de son règne. Il ne s’en souvint que lorsque l’Europe coalisée se préparait à envahir la France, et menaçait ses frontières, pour la couvrir bientôt de ses bataillons. Alors seulement Napoléon fit appel à l’invention qu’il avait tant négligée. Mais il était trop tard. Auxiliaire puissant dans les guerres du dehors, pour instruire rapidement le pouvoir central, des opérations militaires qui se passent aux frontières, la télégraphie est impuissante dans un pays en partie occupé, ou seulement inquiété, par des troupes ennemies. La télégraphie aérienne avait protégé la France en 1793, et contribué à son salut, parce que notre pays était resté vierge de toute invasion victorieuse. Elle ne put la sauver en 1814, après l’entrée des alliés, qui eurent bientôt fait de détruire une ligne télégraphique précipitamment établie par l’Empereur, comme un accessoire tardif de ses opérations défensives. C’est ce que nous allons brièvement raconter.

Sous Napoléon Ier, la ligne de Paris à Lyon fut terminée, et prolongée jusqu’à Turin ; elle fut mise en activité en 1805.

Pendant la même année, la ligne du Nord, qui avait déjà un embranchement sur Boulogne, fut prolongée sur Anvers et Flessingue, et en 1810, jusqu’à Amsterdam. La ligne d’Italie fut poussée jusqu’à Milan et Venise, avec un embranchement sur Mantoue.

Claude Chappe ne devait pas voir ces derniers développements de sa chère invention. Il était déjà fort attristé du peu d’encouragement que son administration recevait de l’empereur. À cet ennui vinrent se joindre les douleurs cruelles que lui faisait éprouver une maladie chronique de la vessie. Il ne put se défendre du désespoir, et se coupa la gorge, le 25 janvier 1805.

Sa mort passa, d’ailleurs, inaperçue. On mit à sa place, comme administrateurs des lignes télégraphiques, ses deux frères Ignace et Pierre, et tout fut dit.

Mais si les gouvernements sont ingrats, la conscience publique reste fidèle au souvenir des gloires nationales. Quand on entre au cimetière du Père Lachaise, on aperçoit, dans un coin retiré, un monument très-simple, composé d’une sorte de rocher agreste, que surmonte un télégraphe de fonte. C’est la tombe de Claude Chappe. Les hommes n’ont pas élevé d’autre monument à sa mémoire ; mais il suffira, dans sa simplicité éloquente, pour rappeler le nom du savant laborieux et modeste dont la vie n’a pas été sans influence sur les destinées contemporaines.

Ignace et Pierre Chappe succédèrent donc à leur frère Claude, comme administrateurs