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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/484

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Dans cette même lettre, Romain fait allusion aux embarras d’argent dans lesquels se trouvait Pilâtre de Rozier.

« Il me paraît, dit-il, qu’il ne payera pas la dépense que nous avons faite à l’hôtel d’Ambron. Je ne fais que le soupçonner, et je crains qu’il ne nous laisse dans l’embarras. »

Fig. 280. — Aéro-montgolfière de Pilâtre de Rozier.

En effet, malgré les fonds envoyés par le ministre, Romain s’était endetté de plus de onze mille francs, pour la construction de l’aérostat à gaz, et il devait trois mille cinq cents francs pour la montgolfière. Ses créanciers l’inquiétaient, et allaient jusqu’à le menacer de saisir l’aérostat. Romain renvoyait à Pilâtre les fournisseurs, qui exigeaient leur payement ; Pilâtre les renvoyait au ministre, lequel faisait quelquefois la sourde oreille.

Les embarras de Romain allèrent au point qu’il fut au moment de quitter la ville, et de passer à l’étranger, sans doute pour se soustraire aux difficultés d’une position trop fâcheuse. C’est ainsi, du moins, qu’on peut expliquer le passe-port qu’il se fit délivrer, le 12 mai, pour la Hollande et l’Angleterre.

Cependant il se ravisa. Il s’adressa au ministre, pour lui faire connaître la part qu’il avait prise aux travaux de Pilâtre, et les droits qui résultaient pour lui de l’acte d’association, dont nous avons cité le texte. Voici cette lettre, qui donne d’assez curieux renseignements sur toute cette histoire :

« Lorsque la sublime découverte de M. Montgolfier me fut connue, je donnai tous mes soins et mon temps à chercher les moyens de perfectionner l’aérostation. L’imperméabilité des enveloppes fut le principal but que je me proposai. Un an de travaux et d’expériences multipliées confirmèrent ma théorie. Je construisis plusieurs ballons, entre autres un pour Mgr le duc d’Angoulême, qui restèrent pleins de gaz inflammable durant plusieurs mois. D’après ces essais en petit, je me déterminai, au mois de septembre dernier, à construire un grand aérostat pour faire de longs voyages. Je fis part de mon projet à M. Pilâtre de Rozier qui l’approuva et me proposa de faire avec moi le passage de France en Angleterre. J’acceptai ses propositions et je commençai les constructions presque aussitôt, au château des Tuileries. Lorsque mon ballon fut soufflé d’air atmosphérique, M. de Rozier me dit qu’il avait communiqué à votre Grandeur notre projet, que Mgr l’avait approuvé et lui avait promis que le gouvernement se chargerait des frais de construction. Ce fut pour moi un nouveau motif d’émulation. Je mis donc la dernière main à mon ballon, le fis décorer. Lorsqu’il fut entièrement fini, M. de Rozier fit imprimer des lettres pour distribuer aux amateurs curieux de voir cette machine. Elle a été, l’espace de trois mois, dans la salle des Tuileries, exposée aux regards du public qui montra le plus grand désir d’en voir faire l’expérience ; mais mon accord avec M. de Rozier lui laissait absolument le choix du lieu. Il se détermina pour Boulogne. En conséquence, je m’y rendis, le 20 décembre, avec mon frère qui m’avait aidé dans la construction de cet aérostat. Nous y sommes l’un et l’autre depuis cette époque.

Mais comme une infinité de circonstances me donnent lieu de penser que M. de Rozier vous a tu le rapport direct que j’ai à cette expérience, j’ai cru devoir, Monseigneur, vous adresser le détail succinct de ma position vis-à-vis de lui et d’y joindre même copie