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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/483

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qui vous auraient porté de Calais à Douvres, et au delà de Londres. »

Pilâtre était de retour à Boulogne, le 4 janvier, et il ne paraissait pas songer à exécuter encore le voyage promis. Nous avons dit que c’est le 7 janvier que Blanchard, partant de Douvres, dans son aérostat, exécuta heureusement la traversée de la Manche. Ainsi, Pilâtre de Rozier avait été devancé, et l’un de ses compatriotes avait exécuté à sa place, l’entreprise dont il s’était solennellement chargé.

Il partit aussitôt pour Paris, où il arriva en même temps que son heureux rival. Il venait confier ses craintes à M. de Calonne. Mais le ministre le reçut fort mal.

« Nous n’avons pas dépensé, lui dit-il, cent mille francs pour vous faire voyager avec l’aérostat sur la côte. Il faut utiliser la machine et passer le détroit. »

Pilâtre de Rozier repartit, la mort dans l’âme. Il revenait avec le cordon de Saint-Michel, et la promesse d’une pension de six mille livres ; mais il ne pouvait se défendre des plus tristes pressentiments.

Pendant son absence, on avait rempli le ballon de gaz hydrogène, dans la cour de l’établissement des bains. Toute la ville de Boulogne avait assisté à ce spectacle, et admiré les belles dispositions de l’aéro-montgolfière.

Pilâtre de Rozier, de retour à Boulogne le 21 janvier, fit apporter, le lendemain, l’aéro-montgolfière, qu’il installa sur l’esplanade. L’appareil chimique nécessaire à la préparation du gaz hydrogène, et le gazomètre destiné à recueillir l’hydrogène, étaient placés sous des tentes, le long des remparts, entre la rue des Dunes et la porte des Pipots.

Mais les jours et les mois se passaient sans rien amener. On attendait un vent favorable, et quand il s’élevait, le ballon n’était pas en état de partir. On rencontrait, à chaque instant, des difficultés nouvelles.

Un jour, la montgolfière fut en partie dévorée par une légion de rats ; et c’est à peine si l’on parvint à les chasser, avec une meute de chiens et de chats, soutenus par des hommes qui battaient du tambour toute la nuit. Un autre jour, au moment même où Pilâtre et Romain se disposaient à partir, un ouragan de vents et de tempêtes se déchaîna subitement. Pilâtre, en dépit des éléments furieux, voulait accomplir son voyage, et les magistrats de Boulogne furent forcés d’intervenir pour empêcher son départ.

Cet ouragan avait déchiré la moitié de l’appareil, c’est-à-dire la montgolfière, qu’il fallut refaire en entier. Dans une lettre adressée à un de ses amis de Paris, et qui est citée par l’auteur de l’Année historique de Boulogne, Romain consulte cet ami sur la figure à donner à la nouvelle montgolfière. Et le 13 février 1785, celui-ci lui répond :

« Tout bien examiné, je ne suis pas fort satisfait de la figure que prend la montgolfière sous les dimensions de 65 pieds d’axe et de 55 de diamètre, en la terminant surtout par une calotte sphérique. Si elle prenait la forme d’un œuf par la réunion de deux ellipsoïdes au petit axe, dont l’une serait fermée par le petit bout en l’embas de la figure, et l’autre plus ouverte, pour la partie d’en haut, il me semble que cela vaudrait mieux. Au reste, vois, considère, combine et fais-moi, si tu veux, dans une feuille de papier, le modèle de la figure que tu veux que prenne ta montgolfière, et je t’aurai bientôt tracé les fuseaux qui en feront les développements. »

Romain écrivait, le 18 février à son frère, pour le tenir au courant des progrès de la construction de la montgolfière :

« Nous sommes après à tracer la figure de la montgolfière, laquelle nous donne bien de la peine, parce que l’endroit dans lequel nous la traçons est trop petit et qu’il faut la tracer en trois parties… Elle sera finie aujourd’hui, quoi qu’on en dise. Je m’en vais toujours faire travailler à la toile bleue, c’est-à-dire tailler les fuseaux pour accélérer le tout. Les ouvrières sont arrivées. Je crois les pouvoir occuper après-demain. Je suis de ton avis quand tu me marques de faire un tiers de la machine en toile de coton : il nous faut de la légèreté, et il ne faut faire qu’une très-petite calotte en toile de coton, seulement pour la sûreté des voyageurs. Le ballon se comporte toujours bien. L’appareil est bientôt complet. »