Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/494

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ainsi connaître au prince de Cobourg la situation de la forteresse. On ne pouvait plus mal débuter.

Ce fut Guyton de Morveau, chimiste célèbre, en ce moment représentant du peuple à la Convention nationale, qui eut le mérite de trouver l’emploi, vraiment pratique, des aérostats dans les armées. Il était familier avec l’aérostation, grâce aux nombreuses expériences qu’il avait exécutées à Dijon, avec l’appareil dont nous avons donné, dans un chapitre précédent, la description et la figure (page 465). Guyton de Morveau proposa de se servir d’aérostats retenus captifs au moyen de cordes, et dans lesquels des observateurs, placés comme en sentinelle perdue au haut des airs, observeraient les mouvements de l’ennemi. Rien n’était donc ici livré à l’imprévu ni aux dangereux caprices de l’air.

Guyton de Morveau, en sa qualité de représentant du peuple, faisait partie, avec Monge, Berthollet, Carnot et Fourcroy, d’une commission que le Comité de salut public avait instituée, pour appliquer aux intérêts de l’État les découvertes récentes de la science. Il proposa à cette commission d’employer les aérostats captifs, comme moyen d’observation dans les armées.

La proposition fut accueillie, et soumise au Comité de salut public, qui l’accepta, sous la seule réserve de ne pas se servir d’acide sulfurique pour la préparation du gaz hydrogène. En effet l’acide sulfurique s’obtient par la combustion du soufre, et le soufre, nécessaire à la fabrication de la poudre, était, à cette époque, très-rare et très-recherché en France, en raison de la guerre extérieure.

Pour préparer du gaz hydrogène sans employer d’acide sulfurique, comme le voulait le Comité de salut public, il n’y avait qu’un moyen : c’était de décomposer l’eau par le fer porté au rouge.

Quand on dirige un courant de vapeurs d’eau sur des fragments de fer incandescents, l’eau se décompose ; son oxygène se combine avec le fer pour former un oxyde, et son hydrogène se dégage à l’état de gaz.

Cette expérience, exécutée pour la première fois par Lavoisier, n’avait été faite encore que sur une très-petite échelle ; il fallait donc s’assurer si l’on pourrait la pratiquer avec avantage, dans de grands appareils, et si ce procédé serait applicable au service régulier des aérostats.

Guyton de Morveau alla trouver Lavoisier, dans son laboratoire. Ils montèrent un appareil pour préparer du gaz hydrogène, au moyen de l’eau dirigée, en vapeurs, sur le fer, maintenu au rouge dans un fourneau. L’expérience prouva à nos deux chimistes, que cette opération ne présenterait aucune difficulté ; qu’elle fournirait de grandes quantités d’hydrogène pur, et qu’on pourrait l’exécuter en tous lieux, au milieu d’un camp, comme dans un laboratoire, en plein air, comme dans un cabinet de physique.

Guyton de Morveau communiqua ce résultat au Comité de salut public, qui l’autorisa à faire les expériences en grand.

Ici, l’adjonction d’un opérateur spécial devenait nécessaire. Guyton de Morveau s’adressa à un de ses amis, nommé Coutelle.

Coutelle avait porté le petit collet, bien qu’il ne fût jamais entré dans les ordres. Né en 1748, il avait été attaché au comte d’Artois, comme sous-précepteur pour l’étude de la physique. À l’exemple de tout ce qui tenait à la cour, il avait adopté les idées de la Révolution, et s’était lié avec les hommes politiques et les hommes de science qui appartenaient à ce parti. C’est ainsi qu’il était devenu l’ami de Guyton de Morveau et de Fourcroy. Il s’occupait particulièrement de physique et de chimie ; et il avait formé, à Paris, un cabinet de physique, où se trouvaient réunis tous les appareils nécessaires aux expériences sur les gaz, sur la lumière et sur l’électricité. Les chimistes et les physiciens de la capitale venaient souvent faire leurs expériences dans son laboratoire. Coutelle était