Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/499

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elle se trouve, sauf à la compléter et à lui faire fournir ce qui lui manque après son arrivée à Maubeuge ;

« D’expédier l’ordre au capitaine et au lieutenant de ladite compagnie de partir sextidi prochain 16, et de se rendre en poste à Maubeuge pour s’occuper sans délai des premières dispositions ;

« Enfin, de faire partir au plus tard le 17 courant, pour la même destination, le restant de ladite compagnie, d’après l’état qui lui en sera remis par le capitaine, même sur des ordres de route individuels, s’il est nécessaire.

« Signé au registre : Les membres du Comité de salut public.

« Billaud-Varennes, C. A. Prieur, Carnot, B. Barrère, Couthon, Lindet.

« Pour extrait :

« C. A. Prieur, Carnot, Barrère, »

Conformément à ce décret, Coutelle expédia sa compagnie à Maubeuge, et il partit de son côté, en poste, emmenant avec lui son lieutenant. Maubeuge était déjà assiégée par les Autrichiens.

Arrivé à Maubeuge, son premier soin fut de chercher un emplacement, de construire son fourneau pour la préparation du gaz, de faire les provisions de combustible nécessaires, et de tout disposer en attendant l’arrivée de l’aérostat et des équipages qu’il avait expédiés de Meudon. Il choisit les jardins du collége, pour y établir ses appareils, préparer le gaz hydrogène et remplir l’aérostat, qui avait reçu le nom d’Entreprenant.

Les officiers de la compagnie étaient, outre Coutelle, leur capitaine, Delaunay, premier lieutenant, ancien maître maçon, que l’on avait choisi pour procéder à la construction du fourneau pendant la campagne, et Lhomond, deuxième lieutenant, fils d’un physicien de Paris, et lui-même chimiste et physicien. Ils donnaient tous les deux l’exemple du devoir et de l’activité, en mettant hardiment la main à l’œuvre pour l’installation du matériel.

Pour exposer les opérations qui furent exécutées dans le jardin du collége de Maubeuge, nous laisserons parler l’un des compagnons de Coutelle, le baron de Selle de Beauchamp, alors simple soldat de la compagnie des aérostiers, et qui devait bientôt obtenir une lieutenance dans cette compagnie.

« Nos procédés étaient tellement coûteux et devaient être entrepris sur une si grande échelle, dit le baron de Beauchamp, qu’ils ne pouvaient convenir qu’à un gouvernement décidé à ne reculer devant aucune dépense nécessaire pour accroître ses moyens de défense. L’idée seule de transporter au milieu des camps une machine de trente pieds de diamètre, remplie de gaz inflammable, de la manœuvrer à volonté, d’y placer deux observateurs qui, à dix-huit cents pieds d’élévation, inspectassent tous les mouvements de l’ennemi, et en rendissent un compte instantané et exact, n’est-ce pas une de ces conceptions gigantesques qui n’appartiennent qu’à cette époque ? Et, en effet, que d’obstacles un tel projet ne présentait-il pas ! La fragilité d’une enveloppe de soie gommée, d’un volume extraordinaire, se trouvant journellement exposée aux vents, aux orages, aux arbres des forêts et des routes, au passage resserré des villes ; de plus l’altération infaillible du gaz, par la combinaison de l’air atmosphérique dont aucune gomme, aucun vernis n’avaient encore pu l’isoler entièrement ; les difficultés qu’on devait rencontrer pour faire suivre à une telle machine les marches et les contre-marches d’une armée, de manière à la tenir toujours prête à servir de tour d’observation dans un combat ou une bataille ; n’y avait-il pas là de quoi faire faire plus d’une réflexion ? Il est vrai qu’il n’était pas encore question de suivre l’armée ; on se bornait pour le moment à l’emploi des aérostats dans les places assiégées, et c’est ce qui motivait notre envoi à Maubeuge. Cette place est très-difficile à bloquer complétement, à cause d’un camp retranché qui augmente de beaucoup son circuit et nécessite conséquemment une armée de siége considérable. Aussi les Autrichiens s’étaient-ils bornés à la cerner de trois côtés, laissant libre la route de France défendue par le camp retranché. Le collége, où nos travaux s’organisaient, touchait par son jardin aux remparts et se trouvait couvert par un bastion hérissé de canons qui répondaient souvent à ceux des redoutes ennemies[1]. »

Les premiers moments furent très-difficiles. Il fallait tout créer, tout prévoir, et dans la rapidité d’une organisation improvisée, il y avait bien des lacunes, que le zèle de chacun parvenait à faire disparaître.

  1. Souvenirs de la fin du xviiie siècle, Extraits des mémoires d’un officier des aérostiers, aux armées de Sambre-et-Meuse, par le baron de Selle de Beauchamp, in-12, Paris, 1853, p. 28-29.