Aller au contenu

Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/514

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

même les essayer. Il laissa le matériel et les hommes se morfondre à Strasbourg. Il alla même jusqu’à demander le licenciement de ce corps, par une lettre au ministre de la guerre. Cette lettre, citée dans la brochure de M. de Gaugler, est trop curieuse, pour que nous n’en donnions pas ici le texte, avec son orthographe pittoresque. Voici donc ce qu’écrivait de Wetzlar, le général de l’armée de Sambre-et-Meuse, le 30 août 1797 :

« Citoyen Ministre,

« Je vous informe qu’il existe à l’armée de Sambre-et-Meuse une compagnie d’aérostatiers qui lui est absolument inutile, peut-être pourrait-elle servir utillement dans la 17e division militaire, où le voisinage de la capitale et du thélégraphe, pourrait lui faire faire des découvertes essentiles au bien public ; je vous engage donc à me permettre de diminuer l’armée de cette troupe qui ne peut être qu’à sa charge.

L. Hoche. »

Le licenciement demandé par le général Hoche, ne fut pas accordé ; mais la compagnie ne sortit pas de son inaction, malgré les réclamations du capitaine Delaunay et du lieutenant de Selle. Ce dernier, dégoûté de cette situation, quitta la compagnie, après avoir donné sa démission d’officier, et rentra en France.

La fortune qui avait souri aux débuts à l’aérostation militaire, ne cessait maintenant de lui être contraire. Nous venons de voir la fin languissante de la seconde compagnie d’aérostiers ; le sort de la première compagnie fut plus triste encore.

Commandée par le capitaine Lhomond, elle fit plusieurs reconnaissances à Worms et à Manheim. À Ehrenbreistein, Lhomond fit une ascension magnifique, au milieu d’une pluie de bombes et de boulets. Mais les hauts faits de l’aérostation militaire devaient s’arrêter là. Pendant la bataille de Würtzbourg, livrée le 17 fructidor an IV, l’aérostat, demeuré longtemps en observation, fut endommagé au moment de la retraite précipitée de l’armée, et la compagnie fut forcée de se retirer dans la place, avec son matériel. Mais bientôt Würtzbourg fut prise, et la compagnie des aérostiers, avec tout son matériel, tomba au pouvoir de l’ennemi. Le capitaine Lhomond et le lieutenant Plazanet furent retenus prisonniers de guerre.

Quelques mois plus tard, le traité de Léoben vint rendre la liberté aux prisonniers de Würtzbourg. Le capitaine Lhomond et le lieutenant Plazanet allèrent alors rejoindre Coutelle, à l’école aérostatique de Meudon, pour lui demander de faire reprendre du service à leur compagnie.

En ce moment, se préparait, en grand mystère, l’expédition d’Égypte. Conté avait obtenu de faire partie de la commission de savants qui accompagnaient le premier consul. Il décida Bonaparte à emmener en Égypte la première compagnie d’aérostiers, sortie récemment de Würtzbourg.

Cette compagnie fut donc dirigée sur Toulon. Elle partit de là pour l’Égypte, avec Coutelle, Conté et Plazanet. Ils débarquèrent heureusement en Égypte, et furent, dès leur arrivée, postés en avant des troupes.

Mais la fatalité poursuivait l’aérostation militaire. On avait laissé sur le bâtiment qui avait amené la compagnie d’aérostiers, le ballon, ainsi que tout le matériel pour la préparation du gaz. Ce bâtiment fut pris et coulé par les Anglais.

Ainsi privée de ses instruments, et jetée tout à fait en dehors de son but, la compagnie d’aérostiers n’avait plus sa raison d’être. Les soldats furent répartis dans les régiments ; Coutelle, attaché à l’armée comme chef de bataillon, s’en alla, presque seul, faire un voyage d’exploration dans la haute Égypte, et Conté mit à la disposition de l’armée son génie inventif, qui lui permettait de se rendre utile en tout temps et partout.

L’aérostation militaire ne joua donc aucun rôle en Égypte. Tout se borna à lancer quelques montgolfières les jours de réjouissances publiques.