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Garnerin, s’élançant de la terre aux nues dans un frêle ballon, et s’en précipitant à l’aide de la plus frêle égide, d’un maudit parachute non même achevé ni perfectionné ? — Ô Horace ! pour parler bon français, vous eussiez dit : Cet homme a bien le diable au corps ! C’est pour le coup que s’appliquerait votre mot : Nil mortalibus arduum est, cœlum ipsum petimus stultitia. Nous cherchions donc à nous expliquer cette inexplicable audace, et nous avons trouvé cette explication dans la relation que vient de donner le citoyen Garnerin de sa détention en Hongrie.

« Nous avons admiré un jeune homme de 25 ans qui accepte du comité du salut public, en 1793, une commission hasardeuse, qui fait la revue du camp de Ransonnet, qui se bat à Marchiennes, qui est pris par les Anglais, qui, interrogé par eux, fait les réponses dignes d’un fier républicain, livré ensuite par les Anglais aux Autrichiens, conduit à Bude, endurant dix-huit mois les traitements les plus barbares, n’ayant pas changé de paille et n’ayant pas montré un instant de faiblesse, pas perdu un atome de la dignité française, etc. ; et nous avons cessé d’appeler folie la descente de Monceaux.

« Ce jeune homme, nous sommes-nous dit, n’aura pas voulu qu’un autre qu’un Français eût la gloire de l’expérience du parachute. Cela lui a suffi : gloire nationale d’une part, engagement personnel d’une autre. Et de là nous avons conclu que, quand même sa belle Éléonore eût été présente, elle n’y eût fait œuvre. Il n’y a amours qui tiennent contre une âme sincèrement éprise du nom français, sous quelque face qu’elle se présente. »

Dès sa seconde ascension, Garnerin apporta au parachute un perfectionnement indispensable, qui lui donna toutes les conditions nécessaires de sécurité. Il pratiqua au sommet, une ouverture circulaire, surmontée d’un tuyau de 1 mètre de hauteur. L’air accumulé dans la concavité du parachute, s’échappe par cet orifice. De cette manière, sans nuire aucunement à l’effet de l’appareil, on évite ces oscillations qui avaient fait courir à Garnerin un si grand danger.

Les descentes en parachute se multiplièrent à cette époque. Ce spectacle extraordinaire attirait toujours une foule immense au Champ-de-Mars, où Garnerin l’exécutait. Les journaux racontaient chacune de ces représentations émouvantes, et des vaudevilles de circonstance les transportaient au théâtre.

Voici le couplet final de l’une de ces pièces de théâtre :

Enchantés de notre voyage,
À braver les hasards du vent
Nous avons, dans un badinage.
Voulu retracer ce moment.
Mais comme, en faisant cet ouvrage,
Il nous manquait votre talent,
Pour prévenir notre culbute,
Prêtez-nous votre parachute.

Fig. 300. — Élisa Garnerin.

Le parachute dont on se sert aujourd’hui est le même appareil que Garnerin a construit et employé en 1797. C’est une sorte de vaste parasol, de cinq mètres de rayon, formé de trente-six fuseaux de taffetas, cousus ensemble, et réunis, au sommet, à une rondelle de bois. Quatre cordes, partant de cette rondelle, soutiennent la nacelle ou plutôt la corbeille d’osier, dans laquelle se place l’aéronaute. Trente-six petites cordes, fixées aux bords du parasol, viennent s’attacher à la corbeille ; elles sont destinées à l’empêcher de se rebrousser par l’effort de l’air. La distance de la corbeille au sommet de l’appareil est d’environ dix mètres.