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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/540

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fois l’expérience dans le cours du voyage, à diverses hauteurs. En voici les résultats dans l’ordre où nous les avons obtenus.

Hauteurs calculées. Nombre des oscillations. Temps.
2 897 mètres ……………………………… 5 ……………………………… 35s
3 038 ……………………………… 5 ……………………………… 35s
Id. ……………………………… 5 ……………………………… 35s
Id. ……………………………… 5 ……………………………… 35s
2 862 ……………………………… 10 ……………………………… 70s
3 145 ……………………………… 5 ……………………………… 35s
3 665 ……………………………… 5 ……………………………… 35s,5
3 589 ……………………………… 10 ……………………………… 68s
3 742 ……………………………… 5 ……………………………… 35s
3 977 (2 040 toises)………… 10 ……………………………… 70s

« Toutes ces observations, faites dans une colonne de plus de 1 000 mètres de hauteur, s’accordent à donner 35s pour la durée de cinq oscillations. Or, les expériences faites à terre donnent 35s 1/4 pour cette durée. La petite différence d’un quart de seconde n’est pas appréciable, et dans tous les cas elle ne tend pas à indiquer une diminution.

« On en peut dire autant de l’expérience qui a donné une fois 68 degrés pour dix oscillations, ce qui fait 34 pour chacune ; elle n’indique pas non plus un affaiblissement.

« Il nous semble donc que ces résultats établissent avec quelque certitude la proposition suivante :

« La propriété magnétique n’éprouve aucune diminution appréciable depuis la surface de la terre jusqu’à 4 000 mètres de hauteur : son action dans ces limites se manifeste constamment par les mêmes effets et suivant les mêmes lois.

« Il nous reste maintenant à expliquer la différence de ces résultats avec ceux des autres physiciens dont nous avons parlé. Et d’abord, quant aux expériences de Saussure, il nous semble, si nous osons le dire, qu’il s’y est glissé quelque erreur. On le voit clairement par les nombres mêmes qu’il a rapportés[1]. Lorsqu’il voulut déterminer la force magnétique de son aiguille à Genève, il trouva pour le temps de vingt oscillations, 302s, 290s, 300s, 280s, résultats très-peu comparables, puisque leur différence va jusqu’à 12s. Au contraire, dans les expériences préliminaires que nous avons faites à terre avant de partir, nous n’avons jamais trouvé une demi-seconde de différence sur le temps de vingt oscillations. De plus, il existe encore une autre erreur dans le calcul fait par Saussure pour comparer les forces magnétiques sur la montagne et dans la plaine ; et d’après tout cela, il n’est pas étonnant que ses résultats diffèrent de ceux que nous avons obtenus. Mais il nous semble que les nôtres sont préférables, parce qu’ils paraissent s’accorder davantage, et parce que nous nous sommes élevés beaucoup plus haut.

« Quant à cette autre observation faite par quelques physiciens, relativement aux irrégularités de la boussole, quand on s’élève dans l’atmosphère, il nous semble qu’on peut facilement l’expliquer par ce que nous avons dit précédemment sur la rotation continuelle de l’aérostat. En effet, ces observateurs ont dû tourner comme nous, puisque la seule impulsion du gaz qui s’échappe en ouvrant la soupape suffit pour produire cet effet. S’ils n’ont pas fait cette remarque, l’aiguille, qui ne tournait pas avec eux, leur a paru incertaine et sans aucune direction déterminée ; mais ce n’est qu’une illusion produite par leur propre mouvement.

« Enfin il nous reste à prévenir un doute que l’on pourrait élever sur nos expériences : on pourrait craindre que nos montres ne se fussent dérangées dans le voyage, de sorte qu’il aurait pu arriver quelque variation dans la force magnétique sans que nous l’eussions aperçue. Mais, puisque nous n’y avons observé aucune différence, il faudrait, dans cette supposition, que la force magnétique et la marche de notre montre eussent varié en sens contraire, précisément dans le même rapport et de manière à se compenser exactement ; hypothèse extrêmement improbable et même tout à fait inadmissible.

« Nous n’avons pas pu observer aussi exactement l’inclinaison de la barre aimantée ; ainsi nous ne pouvons pas affirmer avec autant de certitude qu’elle n’éprouve absolument aucune variation. Cependant cela est très-probable, puisque la force horizontale n’est point altérée. Mais nous sommes assurés du moins que ces variations, si elles existent, sont très-peu considérables ; car nos barres magnétiques, équilibrées avant le départ, ont constamment gardé pendant tout le voyage leur situation horizontale : ce qui ne serait pas arrivé si la force qui tendait à les incliner eût changé sensiblement.

« Enfin la déclinaison avait été aussi l’objet de nos recherches ; mais le temps et la disposition de nos appareils ne nous ont pas permis de la déterminer exactement. Cependant il est également probable qu’elle ne varie pas d’une manière sensible. Au reste, nous avons maintenant des moyens précis pour la mesurer avec exactitude dans un autre voyage : nous pourrons aussi évaluer exactement l’inclinaison.

« Pour ne pas interrompre cet exposé, nous avons passé sous silence quelques autres expériences moins importantes, auxquelles il est nécessaire de revenir.

« Nous avons observé nos animaux à toutes les hauteurs ; ils ne paraissaient souffrir en aucune manière. Pour nous, nous n’éprouvions aucun effet, si ce n’est cette accélération du pouls dont j’ai déjà parlé. À 3 400 mètres de hauteur, nous donnâmes la liberté à un petit oiseau que l’on nomme un verdier, il s’envola aussitôt, mais revint presque à l’instant se poser sur nos cordages ; ensuite prenant de nouveau son vol, il se précipita vers la terre, en décrivant une ligne tortueuse peu différente de la ver-

  1. Voyage dans les Alpes, t. IV, p. 312 et 313.