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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/545

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sentée par le cosinus de l’angle d’inclinaison de cette dernière force, on ne pourra s’empêcher de conclure avec nous, que, puisque la force horizontale n’a pas varié, la force magnétique ne doit pas avoir varié non plus, à moins qu’on ne veuille supposer que la force magnétique a pu varier précisément en sens contraire et dans le même rapport que le cosinus de son inclinaison, ce qui n’est nullement probable. Nous aurions d’ailleurs, à l’appui de notre conclusion, l’expérience de l’inclinaison qui a été faite à la hauteur de 3 863 mètres (1 982 toises), et qui prouve qu’à cette élévation l’inclinaison n’a pas varié d’une manière sensible.

« Parvenu à la hauteur de 4 511 mètres, j’ai présenté à une petite aiguille aimantée, et dans la direction de la force magnétique, l’extrémité inférieure d’une clef ; l’aiguille a été attirée, puis repoussée par l’autre extrémité de la clef que j’avais fait descendre parallèlement à elle-même. La même expérience, répétée à 6 107 mètres, a eu le même succès : nouvelle preuve bien évidente de l’action du magnétisme terrestre.

« À la hauteur de 6 561 mètres, j’ai ouvert un de nos deux ballons de verre, et à celle de 6 636 j’ai ouvert le second ; l’air y est entré dans l’un et dans l’autre avec sifflement. Enfin, à 3 heures 11 secondes, l’aérostat était parfaitement plein, et n’ayant plus que 15 kilogrammes de lest, je me suis déterminé à descendre. Le thermomètre était alors à 9°,5 au-dessous de la température de la glace fondante, et le baromètre à 32,88 ; ce qui donne pour ma plus grande élévation au-dessus de Paris, 6 977m,37, ou 7 016 mètres au-dessus du niveau de la mer.

« Quoique bien vêtu, je commençais à sentir le froid, surtout aux mains, que j’étais obligé de tenir exposées à l’air. Ma respiration était sensiblement gênée, mais j’étais encore bien loin d’éprouver un malaise assez désagréable pour m’engager à descendre. Mon pouls et ma respiration étaient très-accélérés : ainsi respirant fréquemment dans un air très-sec, je ne dois pas être surpris d’avoir eu le gosier si sec, qu’il m’était pénible d’avaler du pain. Avant de partir, j’avais un léger mal de tête, provenant des fatigues du jour précédent et des veilles de nuit, et je le gardai toute la journée sans m’apercevoir qu’il augmentât. Ce sont là toutes les incommodités que j’ai éprouvées.

« Un phénomène qui m’a frappé de cette grande hauteur, a été de voir des nuages au-dessus de moi et à une distance qui me paraissait encore très-considérable. Dans notre première ascension, les nuages ne se soutenaient pas à plus de 1 169 mètres, et au-dessus le ciel était de la plus grande pureté. Sa couleur au zénith était même si intense, qu’on aurait pu la comparer à celle du bleu de Prusse ; mais dans le dernier voyage que je viens de faire, je n’ai pas vu de nuages sous mes pieds ; le ciel était très-vaporeux et sa couleur généralement terne. Il n’est peut-être pas inutile d’observer que le vent qui soufflait le jour de notre première ascension était le nord-ouest, et que dans la dernière c’était le sud-est.

« Dès que je m’aperçus que je commençais à descendre, je ne songeai plus qu’à modérer la descente du ballon et à la rendre extrêmement lente. À 3 heures 45 minutes, mon ancre toucha terre et se fixa, ce qui donne trente-quatre minutes pour le temps de ma descente. Les habitants d’un petit hameau voisin accoururent bientôt, et pendant que les uns prenaient plaisir à ramener à eux le ballon en tirant la corde de l’ancre, d’autres, placés au-dessous de la nacelle, attendaient impatiemment qu’ils pussent y mettre les mains pour la prendre et la déposer à terre. Ma descente s’est donc faite sans la plus légère secousse et le moindre accident, et je ne crois pas qu’il soit possible d’en faire une plus heureuse. Le petit hameau à côté duquel je suis descendu s’appelle Saint-Gougon, il est situé à six lieues nord-ouest de Rouen.

« Arrivé à Paris, mon premier soin a été d’analyser l’air que j’avais rapporté. Toutes les expériences ont été faites à l’École polytechnique, sous les yeux de MM. Thénard et Gresset, et je m’en suis rapporté autant à leur jugement qu’au mien. Nous observions tour à tour les divisions de l’eudiomètre sans nous communiquer, et ce n’était que lorsque nous étions parfaitement d’accord que nous les écrivions. Le ballon dont l’air a été pris à 6 636 mètres a été ouvert sous l’eau, et nous avons tous jugé qu’elle avait au moins rempli la moitié de sa capacité ; ce qui prouve que le ballon avait très-bien tenu le vide, et qu’il n’y était pas entré d’air étranger. Nous avions bien l’intention de peser la quantité d’eau entrée dans le ballon pour la comparer à sa capacité ; mais n’ayant pas trouvé dans l’instant ce qui nous était nécessaire, et notre impatience de connaître la nature de l’air qu’il renfermait étant des plus vives, nous n’avons pas fait cette expérience. Nous nous sommes d’abord servis de l’eudiomètre de Volta, et nous l’avons analysé comparativement avec de l’air atmosphérique pris au milieu de la cour d’entrée de l’École polytechnique. »

Ici Gay-Lussac décrit les procédés d’analyse qu’il a mis en usage et qui lui ont permis d’établir l’identité de composition de cet air avec l’air pris à la surface de la terre ; il continue en ces termes :

« L’identité des analyses des deux airs faites par le gaz hydrogène prouve directement que celui que j’avais rapporté ne contenait pas de ce dernier gaz ; néanmoins je m’en suis encore assuré, en ne brûlant avec les deux airs qu’une quantité de gaz hydrogène inférieure à celle qui aurait été nécessaire pour absorber tout le gaz oxygène ; car j’ai