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Ces dangers ne faisaient que redoubler son ardeur. En 1817, elle exécutait à Nantes sa cinquante-troisième ascension, lorsque, ayant voulu descendre dans la plaine, à quatre lieues de la ville, elle tomba au milieu d’un marais. Comme son ballon s’était accroché aux branches d’un arbre, elle y aurait péri, si l’on ne fût venu la dégager. Cet événement était le présage de la catastrophe qui lui coûta la vie.

Le 6 juillet 1819, madame Blanchard s’éleva, au milieu d’une fête donnée au Tivoli de la rue Saint-Lazare ; elle emportait avec elle un parachute muni d’une couronne de flammes de Bengale, afin de donner au public le spectacle d’un feu d’artifice, descendant du milieu des airs. Elle tenait à la main une lance à feu, pour allumer ses pièces. Un faux mouvement mit l’orifice du ballon en contact avec la lance à feu : le gaz hydrogène s’enflamma. Aussitôt une immense colonne de feu s’éleva au-dessus de la machine, et frappa d’effroi les nombreux spectateurs, réunis à Tivoli et dans le quartier Montmartre.

On vit alors distinctement madame Blanchard essayer d’éteindre l’incendie en comprimant l’orifice inférieur du ballon ; puis, reconnaissant l’inutilité de ses efforts, elle s’assit dans la nacelle et attendit. Le gaz brûla pendant plusieurs minutes, sans se communiquer à l’enveloppe du ballon. La rapidité de la descente était très-modérée, et il n’est pas douteux que, si le vent l’eût dirigée vers la campagne, madame Blanchard serait arrivée à terre sans accident. Malheureusement il n’en fut pas ainsi : le ballon vint s’abattre sur Paris ; il tomba sur le toit d’une maison de la rue de Provence. La nacelle glissa sur la pente du toit, du côté de la rue.

« À moi ! » cria madame Blanchard. Ce furent ses dernières paroles. En glissant sur le toit, la nacelle rencontra un crampon de fer ; elle s’arrêta brusquement, et par suite de cette secousse, l’infortunée aéronaute fut précipitée hors de la nacelle, et tomba, la tête la première, sur le pavé. On la releva le crâne fracassé ; le ballon, entièrement vide, pendait, avec son filet, du haut du toit, jusque dans la rue.

Un autre martyr de l’aérostation fut le comte François Zambeccari, noble habitant de Bologne.

Zambeccari s’était consacré de bonne heure à l’étude des sciences. À vingt-cinq ans, il prit du service dans la marine royale d’Espagne. Mais il eut le malheur, en 1787, pendant le cours d’une expédition contre les Turcs, d’être pris avec son bâtiment. Il fut envoyé au bagne de Constantinople, et languit pendant trois ans, dans cet asile du malheur. Au bout de ce temps, il fut mis en liberté, sur les réclamations de l’ambassade d’Espagne.

Pendant les loisirs de sa captivité, Zambeccari avait étudié la théorie de l’aérostation ; de retour à Bologne, il composa, sur cette question, un petit ouvrage qu’il soumit à l’examen des savants de son pays. Ses travaux furent appréciés par le gouvernement pontifical, qui mit différentes sommes à sa disposition, pour lui permettre de continuer ses recherches. Zambeccari se servait d’une lampe à esprit-de-vin dont il dirigeait à volonté la flamme : il espérait, à l’aide de ce moyen, guider à son gré la machine, une fois qu’elle se trouverait en équilibre dans l’atmosphère.

Le système employé par Zambeccari est décrit dans un rapport adressé à la Société des sciences de Bologne, le 22 août 1804. Zambeccari employait une lampe à esprit-de-vin, de forme circulaire, percée sur son pourtour de vingt-quatre trous garnis d’une mèche et surmontés de sortes d’éteignoirs, ou écrans, qui permettaient d’arrêter, à volonté, la combustion sur un des points de la lampe. Il est probable, quoique le rapport n’en dise rien, que le calorique ne se transmettait pas directement à l’air situé dans le voisinage du gaz,